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pas moins une économie, une économie parce que des armemens précipités seraient, au jour du besoin, une dépense bien autrement considérable, une économie grace à l’adage toujours vrai : Si vis pacem, para bellum

D’ailleurs, que nous importe ? Est-ce au poids des écus que nous pourrions mesurer tout ce qui touche aux droits du pays, à l’honneur national, à la dignité de la France vis-à-vis de l’étranger ? Nous aimons de tout notre cœur la liberté, la bonne administration, la bonne justice, la prospérité du pays ; mais, disons-le hautement, nous aimons plus encore sa dignité et sa grandeur, ou, à mieux dire, nous ne concevons pas, pour une grande nation, une chose sans l’autre. En s’abaissant, une grande nation s’anéantirait dans le monde politique, et il défendrait mal ses libertés le pays qui aurait le malheur de faire, par économie, bon marché de son honneur. Empressons-nous de le dire, nous ne craignons pas ce malheur pour la France. Nous sommes profondément convaincus que les chambres ne voudront à aucun prix prendre sur elles de renoncer à la paix armée pour retomber dans la paix désarmée. Elles ne veulent pas renoncer à l’espérance d’une longue paix, et moins encore provoquer à la guerre ; mais elles ne voudront pas davantage nous exposer aux procédés discourtois de l’étranger : elles savent que la France a le droit, en étant juste, d’être fière, et il n’y a pour les grandes nations de fierté digne et noble que celle qui s’appuie largement, solidement sur la force, sur la puissance nationale.

Les fortifications de Paris sont à la fois la base et le complément de nos armemens. Nous ne concevons pas deux opinions sérieuses sur cette question : Paris doit-il être fortifié ? Sans doute, les hommes de guerre pourront nous éclairer de leurs lumières et de leur vieille expérience sur la question d’exécution. Nous nous inclinerons devant leur autorité ; nous nous reconnaissons juges fort peu compétens sur ce point. Mais quant à la question principale, elle n’est pas militaire, elle est toute politique, de haute politique, et, l’histoire à la main, il est impossible de ne pas la résoudre affirmativement. Vous voulez la paix, la paix éternelle, s’il se peut, mais cependant une paix honorable, digne. Nous aussi. Fortifiez donc Paris ; ôtez à l’étranger tout espoir d’abreuver de nouveau ses chevaux aux rives de la Seine, et vous verrez les rêves insensés dont pourraient encore se bercer les ennemis de notre monarchie se dissiper comme de légers nuages au souffle du vent.

Enceinte continue, forts détachés, encore une fois c’est là une question sur laquelle nous pouvons reconnaître notre incompétence. Mais d’un autre côté, il nous est démontré qu’à tort ou à raison le système des forts détachés échouerait à la chambre des députés. Repoussé par la gauche dans une vue politique, il le serait en même temps par ceux qui ne veulent en aucune manière fortifier Paris. Dès-lors il n’y a pas à hésiter pour nous. Quel que soit le mérite intrinsèque du système mixte, nous le préférons par cela seul qu’il est possible, et seul possible aujourd’hui.