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DÉBATS PARLEMENTAIRES.

gleterre enlacent le monde de leurs formidables étreintes et signent un pacte qui semble nous ôter jusqu’à la chance dernière de leurs divisions et de leurs haines. Et l’on voudrait que la France se tînt pour satisfaite et heureuse du présent, qu’elle restât calme et stoïque en face d’un tel avenir ! Non, non ! croyez-le bien, ce ne sont pas seulement les instincts révolutionnaires et les passions mauvaises qui s’émeuvent et qui fermentent ; il y a de la souffrance et de l’anxiété dans les intérêts nombreux sur lesquels vous vous appuyez, mais qui, jusque dans leur égoïsme, ont besoin d’être ménagés. Il y a surtout un redoublement de mauvais vouloir et d’ironie dans ces influences d’un autre ordre que vous conviez avec raison à prendre au sein de la société nouvelle la place qui leur appartient. Si la révolution de 1830 leur semblait incapable de porter sans fléchir le legs glorieux transmis par tant de générations, les classes même qui ont si promptement amnistié l’empire tout couvert du sang de Condé, se tiendraient éternellement séparées d’un gouvernement sans prestige comme sans génie, dont le seul résultat historiquement constaté aurait été d’appeler à la direction des affaires des hommes peu préparés à la vie publique par leurs précédens, et venant étaler aux yeux du monde le spectacle d’ambitions sans grandeur et de rivalités implacables.

Grace au ciel, il y a en France autre chose que des utilitaires et des jacobins ; il est une politique civilisatrice et nationale qui répudie la politique chinoise comme la politique napoléonienne. S’appuyer sur les seuls intérêts de l’ordre matériel pour résister à l’entraînement révolutionnaire serait le moins sûr de tous les calculs, et proclamer le système de paix comme inhérent à l’essence même de la monarchie de 1830 serait la plus dangereuse des formules. Un ministère peut sans doute faire de la paix la base de son administration temporaire, parce qu’un cabinet ne suffit d’ordinaire qu’à une seule situation ; mais un gouvernement embrassant dans sa durée les phases les plus diverses ne pourrait, sans un immense péril, paraître envisager l’éventualité d’une guerre comme impliquant une sorte d’incompatibilité avec sa nature même. L’Europe, qui signale la France comme le centre de toutes les violences révolutionnaires, a violé elle-même depuis un siècle avec tant de cynisme les maximes les plus sacrées du droit des gens et les plus simples prescriptions de la politique, elle nous a fait une situation si fausse et si précaire, que de tous les pays du monde la France est à coup sûr celui où l’on prendrait avec le moins d’à-propos l’initiative de la théorie de l’abbé de Saint-Pierre. Notre devoir est