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ce cabinet tantôt de faiblesse, tantôt de témérité, lui reproche à la fois d’avoir voulu la paix et la guerre à tout prix ? Est-ce le ministère du 29 octobre qui, descendant aux plus basses calomnies, emploie contre des hommes honorables des armes ramassées dans le vieil arsenal des partis anarchiques, et dont ces partis eux-mêmes rougiraient de se servir aujourd’hui ? Est-ce enfin le ministère du 29 octobre qui l’autre jour déclarait avec une si admirable naïveté qu’en demandant la corde ou la guillotine pour M. Thiers et pour ses collègues, les journaux anglais empiètent sur la justice du pays ? Non, certes, et nous croirions, rien qu’à le penser, faire injure au ministère du 29 octobre, à celui de ses membres particulièrement qui, comme ambassadeur, s’est jusqu’au mois d’octobre associé au 1er  mars.

Quoi que l’on fasse, chaque parti sera toujours plus vif dans la presse que dans la chambre. Quoi que l’on fasse aussi, chaque parti trouvera fort innocentes les attaques dont souffrent ses adversaires, fort condamnables celles qui peuvent l’atteindre. Est-il vrai pourtant que du 1er  mars au 29 octobre les journaux de la gauche constitutionnelle, ceux qui ont perdu le ministère, aient été, comme on le prétend, extravagans et violens. Il faut distinguer. Pendant cette période, nous en convenons, la gauche constitutionnelle a, dans ses journaux, traité avec peu de ménagement le parti conservateur qui le lui rendait bien ; mais si, dans le feu de la polémique, le parti conservateur a pu recevoir quelques blessures, jamais, en revanche, les grands principes d’ordre sur lesquels repose la société n’avaient obtenu des journaux de la gauche constitutionnelle une plus éclatante adhésion. Pour juger les organes d’une opinion, ce n’est pas aux organes de l’opinion contraire, mais à eux-mêmes, à d’autres époques, qu’il convient de les comparer. Or, nous demandons à quelle époque le langage des journaux de la gauche constitutionnelle avait été, en ce qui touche aux choses, si plein de réserve et de modération. Qu’on se rappelle leur attitude pendant les émeutes pour les grains et pendant les coalitions d’ouvriers. Les a-t-on vus dans ces deux circonstances décisives rester comme jadis indifférens et méfians ? ou bien ont-ils, sans hésiter, sans faiblir, mis au service du gouvernement tout ce qu’ils possèdent d’influence et d’action ? Et dans cette question même de paix et de guerre qui pendant trois mois a si profondément remué le pays, peut-on dire que les journaux de la gauche constitutionnelle aient, comme en 1831 prêché une croisade nationale contre les traités de 1815, et demandé en quelque sorte la guerre pour la guerre. Loin de là, ils n’ont cessé de répéter que la paix était