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SITUATION POLITIQUE.

le 22 février tomba, nous étions bien plus près des grandes luttes qui nous avaient divisés, et rien encore n’avait ébranlé nos défiances et nos préventions réciproques. Le 6 septembre, qui, comme le 29 octobre, essaya de reconstituer l’ancienne majorité et l’ancienne opposition, échoua pourtant et vécut six mois seulement. Depuis, il y a eu la coalition, le 12 mai, le 1er mars, qui tous, avec plus ou moins de succès, ont concouru à effacer les vieilles lignes de démarcations. Et l’on veut aujourd’hui rayer quatre années de notre histoire politique, et reprendre toutes les questions au point où les avaient laissées 1834 et 1835 ! On veut rejeter, d’une part, le centre droit modéré sur la droite ultra-conservatrice, de l’autre, le centre gauche et la gauche constitutionnelle sur la gauche radicale ! On veut replacer ainsi le gouvernement de juillet entre un parti qui le compromette et un parti qui l’attaque, entre des amis imprudens et des ennemis dangereux ! Est-ce là, nous le demandons à tout homme sincère, travailler pour le salut de la monarchie constitutionnelle, et pour l’anéantissement des factions ?

Il faut aller au fond des choses. Sous des dénominations diverses, il n’y a eu long-temps dans la chambre que deux partis, une droite et une gauche ; mais chacun de ces deux partis contenait dans son sein des élémens hétérogènes qui, réunis momentanément par un intérêt commun, devaient se séparer un jour. Ainsi à droite des hommes réellement, cordialement dévoués à nos institutions, pleins d’indépendance et de fermeté, mais à côté d’eux d’autres hommes pour qui nos institutions sont un mal nécessaire, et toujours prêts, pour diminuer ce mal, à se ranger aveuglément derrière le pouvoir royal ; à gauche des partisans sincères de la monarchie constitutionnelle et de la dynastie actuelle, mais tout près d’eux des ennemis avoués ou déguisés de toute monarchie et de toute dynastie : tel est, quand on ne s’en tient pas aux apparences, l’état vrai des partis tels qu’ils existaient en 1834. Si donc on veut placer exclusivement le gouvernement à droite ou à gauche, voici ce qui arrive : si c’est la droite qui gouverne seule, elle n’offre point pour la défense de la volonté parlementaire un point d’appui suffisant ; si c’est la gauche, elle laisse prendre aux partis extra-constitutionnels trop d’ascendant et d’influence. Pour éviter l’un et l’autre écueil, il n’y a qu’un moyen, l’alliance de la portion libérale de la droite et de la portion conservatrice de la gauche. Là seulement est la base d’une majorité qui soit à l’abri, quoi qu’il arrive, de se montrer servile ou factieuse. Or, cette alliance était commencée, elle se consolidait, et le 29 octobre