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POÈTES ET ROMANCIERS MODERNES DE LA FRANCE.

vait souvent, ne réparait çà et là, sembleraient-elles donc en tout et à jamais divines ?

La première représentation de Marie Stuart remonte au 6 mars 1820 ; les tout premiers débuts littéraires de M. Lebrun sont de près de quinze ans antérieurs. Né à Paris en 1785, arrivant à l’adolescence avec le Consulat, il mûrit sa jeunesse sous l’Empire. Ses plus profondes impressions, lui-même s’en fait gloire, datent d’alors et donnent le sens vrai de son talent. Tous ceux qui ont vu l’Empire en ont été fortement marqués dans leur imagination ; et j’appelle avoir vu l’Empire, non pas être né à telle date qui permît de le voir, mais, même très jeune, avoir été placé dans une position et comme à une fenêtre d’où on le vit réellement se déployer. On sait la large empreinte qu’en reçut le poète qui a dit : Ce siècle avait deux ans… Un autre qui naissait quand ce siècle avait quatre ans déjà, pour rendre ce même effet indélébile, a pu dire :

Nous tous, enfans émus d’un âge de merveilles,
Bercés sous l’étendard aux salves des canons,
Des combats d’Outre-Rhin balbutiant les noms,
Nous avons souvenir de plus d’une journée
Où l’Empire leva sa tête couronnée ;
Quelque magnificence, une armée, un convoi,
Un Te Deum ardent, la naissance d’un Roi ;
Et l’Empereur lui-même, au moment des campagnes,
Il passait dénombrant les aigles, ses compagnes ;
Du geste il saluait tout un peuple au départ,
Et, moi qui parle ici, mon front eut son regard !

M. Lebrun eut plus qu’un regard du maître d’alors. Par des essais poétiques très précoces et déjà imprimés, il avait, vers la fin du Directoire, attiré l’attention de François de Neufchâteau, ministre de l’intérieur, lequel, ayant été lui-même un de ces talens précoces, se complaisait à les discerner. Le jeune enfant n’était pas même encore écolier[1] ; le ministre le nomma élève du Prytanée français (Louis-le-Grand), seul collége tout récemment rouvert. L’élève Pierre Lebrun s’y distingua ; nous avons sous les yeux, dans les fastes annuels du Prytanée, des couplets qu’il faisait à l’âge de treize ans pour la plantation de l’arbre de la liberté à Vanvres, maison de campagne de l’établissement, et une autre pièce assez remarquable, intitulée les Souvenirs, et qui est de 1802. À cette époque de renaissance pour la

  1. Expression de M. Lebrun dans son discours de réception à l’Académie française, lorsqu’il y succéda en 1828 à François de Neufchâteau lui-même.