Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 25.djvu/280

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
276
REVUE DES DEUX MONDES.

uns des plus récens. Ils suffiront probablement pour démontrer aux plus incrédules que ce n’est pas de liberté qu’il s’est agi en Espagne, lors du dernier mouvement, mais bien au contraire de tyrannie et de réaction, au profit d’un parti contre un autre, et que finalement ce qui l’a emporté, ce n’est pas un ordre quelconque, mais le désordre à sa plus haute expression. Un seul fait consolant se fait jour au travers de tant de circonstances déplorables, c’est que les Espagnols paraissent avoir renoncé à verser le sang dans leurs commotions politiques. À part la mort funeste du général Latre et quelques autres faits isolés, il n’y a encore eu ni assassinats, ni massacres. Il faut féliciter de ce progrès la nation entière ; car, certes, si le sang ne coule pas, c’est à l’adoucissement général des mœurs qu’il faut l’attribuer, et non à l’autorité organisée, qui n’est en état de rien empêcher. On va en juger.

Prenons d’abord pour exemple les ayuntamientos. On a dit que le mouvement de septembre avait eu lieu pour conserver le mode d’élection institué par la constitution de 1812, pour les corporations municipales. Eh bien ! les juntes des provinces ont dissous, de leur autorité privée, les ayuntamientos des villes et villages dont la composition n’était pas conforme à leurs désirs, quoiqu’ils eussent été élus en vertu de la bonne loi, et les ont remplacés sur plusieurs points par d’autres désignés par elles. Ainsi, ce n’était pas assez d’avoir annulé par la force une loi librement votée par les deux chambres et sanctionnée par la couronne ; il a fallu faire encore une distinction dans le suffrage universel, et choisir ceux qui pouvaient être élus par cette voie et ceux qui ne pouvaient pas l’être. La loi de 1812 existe pour les uns, et n’existe pas pour les autres.

Le mois dernier, il y a eu des élections générales pour les ayuntamientos et pour les députations provinciales, et quoique le pays ne soit plus dans le premier feu de la révolution, le même principe oppressif a prévalu. Partout où les progressistes en ont eu besoin pour s’assurer la majorité, des bandes d’assommeurs publics se sont répandues dans les rues le bâton à la main, et ont prévenu les modérés qu’ils eussent à s’abstenir de prendre part au vote. C’est à Malaga, à Cadix, à Palencia, et surtout à Cordoue, que ce système de terreur a été principalement mis en usage. Dans cette dernière ville, les bastonnades patriotiques ont duré quinze jours. Le gouvernement, obligé par la clameur publique à s’occuper de ces scandales, en a ordonné la poursuite dans des termes si équivoques et surtout si prévenans pour la multitude, que la circulaire du ministre de l’inté-