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POLITIQUE EXTÉRIEURE.

de la frontière où il voulait être conduit, et, sur sa réponse, il est parti pour la France sous bonne escorte, dans les vingt-quatre heures. Le dictateur Espartero, à qui l’on a tant répété depuis quelque temps qu’il était le Napoléon de son pays, a désormais un point de ressemblance de plus avec son modèle. Nous verrons si cet attentat lui réussira aussi bien que les violences militaires exercées sur la personne de Pie VII, et s’il n’aura pas un jour à se repentir d’avoir porté la main avec tant de précipitation sur la tiare, après l’avoir portée avec tant de bonheur sur la couronne.

Ce n’est pas ici le lieu de juger la politique suivie par le saint-siége à l’égard de l’Espagne. Peut-être aurait-on pu espérer de la sagesse éprouvée de la cour de Rome plus de sympathie pour les tentatives de rénovation légitime qui ont eu lieu dans ce pays. Si le Vatican avait reconnu de bonne heure la reine Isabelle, et qu’il eût montré pour son gouvernement un peu de cette bienveillance dont il a fait preuve pour le gouvernement de la France après la révolution de juillet, beaucoup des maux qui pèsent en ce moment sur la Péninsule auraient pu être évités, et les vides apportés dans son administration ecclésiastique n’affligeraient pas les regards de toute la catholicité. Mais même en supposant que le saint-siége ait eu des torts, ce que nous n’oserions affirmer, rien ne saurait justifier la conduite insensée et coupable que vient d’adopter le ministère-régence. Les réclamations qui ont servi de prétexte à la persécution exercée contre le représentant de l’autorité pontificale étaient évidemment légitimes, et toutes les arguties du tribunal suprême de justice n’ont pu prouver que les juntes aient eu le droit de déposer et de nommer à leur gré des évêques, pas plus qu’elles n’ont établi que le gouvernement puisse exiler sans forme de procès un citoyen espagnol, sous prétexte qu’il n’a pas assez respecté le prestige sacré des juntes, et qu’il appartient à un parti hostile au parti dominant !

Don Valentin de Ortigosa, évêque élu de Malaga, pour qui se fait tout ce bruit, est l’ami intime de MM. Arguelles et Calatrava. Voilà l’unique motif du coup d’état que vient de frapper le ministère. Or, la presse de Madrid a eu souvent à s’occuper de ce prêtre depuis quelque temps ; les griefs qui lui sont imputés sont connus de toute l’Espagne. L’origine de la querelle n’est pas de nature à faire excuser la violence des procédés, et il ne s’agit pas ici d’une de ces questions vitales qui peuvent passionner tout un peuple. Bien loin de là. Il faut donc s’attendre à des protestations de toute sorte. Déjà l’archevêque de Tolède, prélat vénérable et connu par des