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LE
THÉÂTRE ESPAGNOL.

De l’Honneur comme ressort dramatique. — Théâtre de Calderon, Rojas, etc.[1]

Ce que la fatalité était pour les tragiques grecs, l’honneur l’est en quelque sorte pour les poètes dramatiques de l’Espagne. Ils nous le montrent comme une puissance mystérieuse planant sur l’existence entière de leurs personnages, les entraînant impérieusement à sacrifier leurs sentimens et leurs penchans naturels, leur imposant tantôt des actes du plus sublime dévouement, tantôt des crimes, des forfaits vraiment atroces, mais qui perdent ce caractère par l’effet de l’impulsion qui les produit, de la terrible nécessité dont ils sont le résultat. L’honneur, pour eux, n’est pas la vertu, en tant du moins qu’on voudrait donner au mot de vertu sa signification chrétienne ; c’est quelque chose de tout-à-fait distinct, souvent même d’absolument contraire, qui semble plutôt se rapprocher des instincts d’une société encore barbare dans ce qu’ils peuvent avoir de généreux et d’aveugle tout à la fois. Tenir à tout prix la parole une fois donnée, alors même qu’elle ne peut être tenue qu’en violant

  1. Voyez les livraisons du 15 mars, 1er  mai, 15 juillet et 1er  novembre 1840.