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Maures. Blanche, à peine rassurée par sa présence, lui raconte le danger qu’elle vient de courir ; toujours douce et tendre, elle cherche à excuser son mari, dont elle ne peut concevoir les emportemens. Le comte charge un de ses serviteurs de la conduire auprès de la reine, à qui il a confié le secret de sa naissance et qui la prendra sous sa protection. Lorsqu’elle s’est éloignée, il va trouver Garcia, et, après lui avoir reproché vivement l’action barbare qu’il a voulu commettre, il l’invite à le suivre à Tolède pour remercier le roi de la haute marque de confiance et de faveur dont il vient de l’honorer ; mais Garcia, dans tout ce que le comte vient de lui dire, n’a entendu qu’une chose, c’est que Blanche a été conduite dans le palais du roi. Épouvanté à cette idée, n’osant expliquer ni sa conduite, ni ses terreurs, pour ne pas manquer à l’engagement qu’il croit avoir pris envers son souverain, il n’a plus qu’une pensée, c’est de partir à l’instant même pour la cour. À peine arrivé, on l’introduit auprès du roi, qu’il trouve entouré de ses courtisans. En un moment tout est éclairci, et la vérité apparaît enfin aux yeux de Garcia.


Le Roi. — Approchez-vous, et venez recevoir de ma bouche l’expression d’une bienveillance que vous avez si bien méritée.

Don Garcia (ne reconnaissant pas le roi). — Pardonnez, laissez-moi d’abord baiser les pieds de sa majesté. (Il s’approche de don Mendo qu’il prend pour le roi.)

Don Mendo. — Voici le roi, Garcia.

Don Garcia (à part). — Qu’entends-je ? ô mon honneur ! Quelle erreur est-ce là ? Sire, permettez-moi de baiser votre main… si je mérite… vous pouvez…

Le Roi. — Remettez-vous. D’où vient ce trouble ? Vous pâlissez.

Don Garcia (à part). — Un noble peut-il ne pas pâlir lorsqu’il a perdu l’honneur. (Haut.) Sire, permettez-moi de vous dire deux mots en secret. Vous êtes le soleil ; prosterné à vos pieds, la puissance de vos rayons a mis au jour ce que vous lisez sur mon visage.

Le Roi. — Avez-vous à vous plaindre d’un outrage ?

Don Garcia. — Je connais celui qui m’a offensé.

Le Roi. — Qui est-il ?

Don Garcia. — J’ignore son nom.

Le Roi. — Indiquez-le-moi.

Don Garcia. — C’est ce que je vais faire. (À don Mendo.) Je voudrais vous entretenir un moment d’une affaire importante, mais le roi ne doit pas assister à notre explication.

Don Mendo. — Je vous attends dans la pièce voisine.

Le Roi. — Où allez-vous. Garcia ?

Don Garcia (sortant). — Exécuter l’ordre que vous venez de me donner.

Le Roi. — Sa douleur m’afflige. Il me tarde de savoir de qui il a à se plaindre.