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DOCUMENS INÉDITS SUR MARIE STUART.

Melvil et Kirkaldy[1]. On y voit que la reine Élisabeth[2] n’ignorait pas les plus minces détails relatifs à la cour d’Écosse. « Hier, dit Randolf dans une lettre à Leicester[3], je me suis promené avec la reine Élisabeth dans le jardin du palais, et nous avons beaucoup parlé, et avec grand mécontentement, des faits et gestes de la reine d’Écosse. Élisabeth est honteuse d’elle et la déteste. Quoique Élisabeth trouve très mauvais que ses sujets contrarient les penchans de leur souveraine, elle blâme et redoute extrêmement le mariage avec Bothwell. Elle est toutefois très en colère contre Grange, qui ose parler d’une tête couronnée, quelle que soit la conduite de cette dernière, comme on parlerait de la dernière fille publique. » La dignité royale d’Élisabeth se révolte contre des sujets assez téméraires pour accuser et juger leur reine ; toujours prête à tirer parti des fautes de Marie, et ne voulant ni la sauver, ni la défendre, elle réclame seulement un respect aveugle pour les faiblesses du trône.

Depuis le meurtre de Riccio, Marie Stuart, par l’imprudence de sa vengeance et l’impétuosité de son amour, s’est chargée de faire elle-même les affaires du calvinisme ; son histoire a subi une impulsion tellement passionnée, que ce mouvement des intérêts et des crimes, se précipitant comme un torrent qui écume, laisse à peine à l’observateur le temps de s’arrêter aux détails caractéristiques. Le collaborateur de Knox, Craig, reçoit la mission de publier les bans du mariage et s’y refuse. Appelé devant le conseil privé, ce ministre inflexible répond à Bothwell qu’il ne veut point sanctionner l’union de sa reine avec « un adultère, un ravisseur, un meurtrier. » On lui intime l’ordre d’obéir ; il rentre dans son église, proclame les bans des nouveaux époux, et ajoute à cette proclamation les mots suivans : « Je prends à témoin le ciel et la terre que j’abhorre et déteste ce mariage, odieux et scandaleux au monde, et j’exhorte les fidèles à prier de toute leur ame que Dieu s’oppose encore à une union contraire à toute raison et toute bonne conscience, pour le repos et le bonheur de cet infortuné pays ! » La congrégation répondit amen. Les bourgeois retournèrent chez eux, persuadés que Marie était ensorcelée, s’entretenant des moyens magiques et philtres amoureux dont Bothwell avait appris le secret pendant ses voyages en Italie, et

  1. Archives d’Angleterre, lettre copiée par le secrétaire de Cecil, à qui lord Bedford l’envoya.
  2. 8 mai 1567. Archives d’Angleterre.
  3. 10 mai 1567.