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LA HOLLANDE.

La confession faite, l’absolution reçue, Renard continue sa route, fort repentant en paroles, très peu en réalité ; cherchant toujours de l’œil le poulailler, et s’arrêtant avec un appétit sanguinaire en face d’une basse-cour de nonnes, où il voit passer les plus belles oies du monde. Enfin il arrive devant le roi, un peu inquiet au fond de l’ame, mais comptant cependant sur son esprit et son habileté. Il arrive, il va se placer en face de son souverain, et lui adresse une magnifique protestation de respect et de dévouement. — C’est bon, c’est bon, s’écrie le roi ; nous connaissons la souplesse de votre langage, mon maître, et nous n’en serons plus dupe.

Les ennemis de Renard, déconcertés d’abord par sa présence et sa harangue, reprennent leur audace à ces paroles du roi, et crient, et se lamentent, et s’emportent plus fort que jamais. Le roi assemble ses hauts barons, en appelle à leur jugement, et tous, d’une voix unanime, condamnent le traître à être pendu. — Eh bien ! soit s’écrie Renard en courbant la tête d’un air résigné ; j’ai péché, j’en conviens, et la mort n’est peut-être qu’une faible expiation pour tous mes crimes. Allez donc, vous qui voulez me voir périr, allez préparer la potence. Portez la corde et le poteau ; je suis prêt.

Là-dessus, ses ennemis s’éloignent, croyant l’arrêt sans appel et la mort du scélérat inévitable. Ils s’en vont faire les apprêts de son supplice ; lui les regarde avec un rire sardonique puis à peine ont-ils disparu, qu’il commence une autre harangue. Il raconte au roi comment il était né bon et vertueux, aimant la vie simple et honnête, la douce et riante nature ; comment une première faute l’a entraîné dans une autre faute ; comment, en prenant ainsi peu à peu quelque goût au mal, il a fini par devenir un grand coupable, par s’habituer au crime et par s’y complaire ; puis il laisse comme par hasard tomber dans son discours un mot sur ses trésors immenses. À ce mot, le roi et la reine l’arrêtent, l’interrogent avec bienveillance. Renard leur dit qu’il a découvert une conspiration tramée par son père, par le Loup et l’Ours, pour détrôner le roi ; qu’il a trouvé le trésor d’Ermenric, dont son père s’était emparé, et qui devait être employé au succès de la conspiration ; qu’en enlevant ce trésor, il a déjoué tous les complots.

Il n’en fallait pas tant pour éblouir l’ame cupide du roi et la vanité de la reine. Renard obtient sa grace, à la condition de révéler l’endroit mystérieux où il a caché son trésor. Il indique une forêt sauvage, appelle en témoignage Couard le lièvre, qui fait en tremblant sa déclaration. Le roi n’a plus de doute ; Renard triomphe, et quand