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Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 25.djvu/440

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REVUE DES DEUX MONDES.

ses ennemis viennent réclamer l’exécution de l’arrêt, ils sont garrottés et jetés dans un cachot, comme des traîtres et des imposteurs. Ainsi va le monde : le pouvoir est au plus habile, et l’intérêt se revêt du nom de justice.

Cependant le roi voudrait que Renard le conduisît lui-même auprès de son trésor. À cette demande, le rusé diplomate répond par une pieuse lamentation ; il est excommunié par le pape, non pas pour tous les crimes qu’il a commis, mais pour avoir empêché le loup qui s’était fait moine de rester dans son couvent. Il faut qu’il aille à Rome, en pèlerinage, chercher l’absolution et gagner des indulgences. Le roi a l’esprit trop orthodoxe pour ne pas approuver une telle raison. Renard ira à Rome, et avant de partir il se fait donner, pour faire un sac de pèlerin, un large morceau de la peau de l’ours, et pour faire des souliers, la peau des pieds du loup et de la louve.

L’hypocrite regardait déchiqueter ses ennemis et disait à la louve : « Ma tante, ma chère tante, combien de désagrémens vous avez éprouvés par ma faute ! Je me repens de tous les autres, mais celui-ci me plaît, et je vous dirai pourquoi vous êtes de mes parentes la plus chère, et Dieu sait que je porterai vos souliers pour votre bien. Vous aurez part aux grandes indulgences et à tous les pardons, chère tante, que j’irai chercher avec vos souliers au-delà des mers. »

Ainsi réhabilité à la cour du roi, vengé de ses ennemis, Renard se fait donner en grande pompe la besace et le bourdon par le chapelain de la cour, puis il se hâte de partir, car il tremble à tout instant qu’on ne vienne à découvrir sa dernière supercherie. Il emmène avec lui, en leur adressant de belles paroles d’affection, le lièvre et le bélier. À peine arrivés dans son château, il égorge le premier, lui coupe la tête, la met dans la besace et confie le tout au bélier, en lui disant que c’est une dépêche de la plus grande importance qu’il faut porter au roi.

Ici se termine le premier poème du Renard, qui se compose de trois mille et quelques cents vers. Environ un siècle plus tard, c’est-à-dire vers l’année 1250, si l’on s’en rapporte à l’opinion de M. Willems, un poète voulut y ajouter une seconde partie et imita les principaux évènemens de la première. Dans ce nouveau roman comme dans celui que nous venons d’analyser, le roi tient sa cour plénière ; les animaux accusent Renard de toutes sortes de crimes. Renard, sommé de comparaître devant le tribunal suprême, quitte encore sa retraite avec son neveu Grimbert, et se confesse encore à lui le long