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projet du gouvernement ; il le devait encore, il le devait à sa propre dignité, il le devait à la couronne, il le devait à ses collègues et au pays. Pourquoi faut-il que l’exemple de M. Guizot soit perdu pour les journaux du gouvernement, qui ne trouvent que des termes d’admiration à l’endroit des discours des adversaires de la loi, tels que MM. Passy et Dufaure ?

Croirait-on, si tout n’était pas croyable aujourd’hui, qu’il est des conservateurs qui reprochent amèrement à M. Guizot son discours d’hier, qui l’accusent d’avoir parlé contre l’amendement ? Ils voulaient donc qu’il donnât un démenti formel au cabinet, ou, ce qui aurait été moins digne encore, qu’il acceptât par un silence pusillanime le rejet de la pensée ministérielle ! C’est ainsi qu’on a à cœur l’honneur, la dignité du gouvernement du roi ?

Aspirez-vous au pouvoir, êtes-vous impatiens d’y arriver ? À la bonne heure : n’amoindrissez donc pas, ne dilapidez pas l’héritage que vous ambitionnez. Au surplus il est juste d’ajouter que si, parmi les conservateurs, un trop grand nombre s’est laissé égarer par l’esprit de parti et par d’aveugles antipathies, il en est aussi plusieurs qui, s’élevant au-dessus de ces misérables querelles, ont su avec un noble courage rendre hommage à la vérité. Ils ne se sont pas demandé si le projet qu’ils défendaient venait de M. Thiers, mais s’il était utile à la France. Aussi, au lieu de voir leur talent se rapetisser dans la lutte, on l’a vu se développer et grandir. Nous citerons entre autres MM. Bugeaud et Chasseloup-Laubat.

Quant à nous, s’il nous était permis d’adresser un conseil à M. le ministre des affaires étrangères, nous lui dirions que, tout en ménageant, dans une certaine mesure seulement, les susceptibilités et les faiblesses des hommes, il a plus que personne l’obligation et le droit de se préoccuper avant tout des choses, des intérêts du pays et de l’avenir de la monarchie. Qu’il exerce l’ascendant qui doit lui appartenir, prêt à quitter le pouvoir la tête haute et la conscience satisfaite le jour où il ne pourrait le conserver qu’en se livrant à la merci des petits esprits et des petites passions.

Pour nous qui aimons les situations nettement dessinées, le discours de la reine d’Angleterre a été ce qu’il devait être. Qu’aurait-on pu dire en effet ? L’alliance anglo-française est dissoute ; elle est dissoute du fait de l’Angleterre, et tant que lord Palmerston dirigera les affaires de ce pays, nous ne pouvons ni ne devons songer à la rétablir. Nous sommes des voisins qui ont entre eux des rapports usuels de bon voisinage ; nous ne sommes plus des alliés. Nous n’avons plus de secrets à nous dire, ni de complimens à nous faire. C’est ici le cas d’appliquer cette maxime dont on a si étrangement abusé : chacun chez soi, chacun pour soi.

Dans le parlement anglais, la discussion de l’adresse n’a rien offert de très remarquable. Une différence cependant est digne d’être notée. Dans la chambre des communes, il s’est trouvé, même dans le parti tory, des hommes, tels que sir Robert Peel, M. Milnes, qui, dans un noble et patriotique langage, ont exprimé leur regret de la rupture de l’alliance et de l’étrange con-