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ESQUISSE D’UNE PHILOSOPHIE.

comme vous, la présence d’une lumière intérieure, qui illumine nos ames, tout en restant distincte et souveraine ; comme vous, elle prend pour guide cette lumière, et s’élève par son moyen, et grace aux idées qu’elle lui fournit, jusqu’à la raison des phénomènes, à la cause éternelle, nécessaire, absolue de toutes les existences. La différence est qu’elle opère ce passage les yeux ouverts, et vous les yeux fermés volontairement. Que si vous déclarez ce passage impossible, cela ne regarde en rien la psychologie ; c’est alors l’affaire de toute raison humaine, et la condamnation de toute science du monde extérieur. La psychologie n’est donc pas réduite « à une sorte de panthéisme humain qui oblige à concevoir dans un même sujet les contradictoires. » Parlez en général, car c’est au genre humain que vous faites le procès, et non pas aux seuls psychologues.

On lit dans la préface de l’Esquisse : « Pour ce qui est des derniers, des psychologues, comme ils se nomment, on ne saurait rien imaginer de plus insensé que leur doctrine. » Mais puisqu’il s’agit des philosophes qui concentrent systématiquement la science dans l’étude des facultés intellectuelles de l’homme, ce nom n’est pas celui que les philosophes dont on parle se donnaient : ils s’appelaient les idéologues.

M. Lamennais ayant ajourné la psychologie, il faut bien, après avoir indiqué les motifs de notre dissentiment, le suivre dans la voie qu’il a préférée, et considérer d’abord avec lui la nature et les attributs de Dieu.

Rien de plus simple et de plus beau, dans un certain sens, que le système du monde ainsi que l’a conçu M. Lamennais. L’esprit humain, voulant remonter du même coup à la source de l’être et à la source de toute connaissance, découvre dans les profondeurs de la pensée une conception nécessaire, puisque toute autre conception l’implique, et nécessairement vraie, s’il existe quelque vérité en nous ou hors de nous, puisqu’il n’est pas d’affirmation où celle-là ne soit contenue. C’est l’idée de l’être, de l’être infini, nécessaire et éternel, de Dieu par conséquent, dont nous avons l’idée par cela seul que nous avons quelque idée, auquel nous croyons tous et d’une foi inébranlable, par cela seul que nous croyons à quelque chose. Cause première de tout, Dieu n’a point eu de cause, et existe par sa propre puissance ; et comme tout découle de lui en vertu d’un acte libre de son intelligence souveraine, toute substance a sa racine dans la substance de Dieu, toute essence dans son essence. Sa pensée conçoit éternellement tous les possibles, et les réalise éter-