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Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 25.djvu/550

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REVUE DES DEUX MONDES.

M. Lamennais se trompe singulièrement sur la psychologie : « C’est une sorte de dissection du moi, dit-il, une science aussi peu solide dans ses bases que stérile dans ses résultats ; triste effort de l’esprit pour se saisir lui-même en se séparant de tout ce qui le fait ce qu’il est. » La psychologie en effet analyse l’homme, le décompose, le dissèque, si l’on veut ; c’est une nécessité que M. Lamennais reconnaît lui-même un peu plus loin, et qu’il subit ; mais tout le monde entend dans le même sens que lui cette prétendue dissection, et il ne rencontrera point de contradicteurs lorsqu’il dit : « Quoique, pour étudier l’homme, on soit contraint de le décomposer, on doit néanmoins se souvenir toujours que sa nature, dont on recherche les lois, se compose, comme celle de Dieu même, de propriétés essentielles, rigoureusement inséparables ; et que des phénomènes qu’il présente, il n’en est pas un seul de concevable, pas un seul de possible, si les trois énergies qu’implique l’idée générale de l’être ne concourent à sa production. » Il n’est pas plus exact de dire, que la méthode psychologique suppose l’homme isolé de tout ce qui n’est pas lui, complètement séparé de tous les autres êtres ; car c’est précisément pendant que nos facultés s’exercent, pendant qu’elles s’appliquent au monde extérieur pour le connaître ou agir sur lui, c’est alors que la psychologie les étudie. Isoler hypothétiquement l’homme de Dieu et de l’univers pour l’observer en soi, dans sa nature intime, c’est, dites-vous, l’absurdité la plus énorme qui jamais ait pu monter dans aucun esprit. Mais en vérité, est-ce donc isoler l’homme de Dieu et de l’univers que de rechercher par quel moyen l’homme arrive à connaître Dieu et l’univers ? La psychologie est si éloignée de faire des hypothèses qu’elle se met en présence des faits et les interroge sincèrement, sans autre parti pris que celui d’arriver à la vérité par la voie qui lui semble la plus sûre, quoique la plus lente. C’est bien plutôt vous qui faites des hypothèses, vous qui supposez la légitimité d’une idée que notre intelligence nous fournit, avant d’avoir reconnu la nature de notre intelligence et de nos idées ; vous qui nous décrivez la nature de Dieu, ses propriétés, ses lois, ses actions, et qui déclarez en même temps que l’étude attentive et modeste de la nature de l’homme est un rêve absurde, une tentative impossible et stérile. Enfin, quand vous accusez la psychologie du parti pris de trouver dans les phénomènes la raison de toutes choses, il est clair que vous la calomniez, à votre insu sans doute ; car, loin de chercher la raison de tout dans les phénomènes, elle constate au contraire que les phénomènes ne suffisent à rien expliquer, ni à s’expliquer eux-mêmes ; elle constate,