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courant avec une égale puissance les deux échelles de voix, c’est-à-dire comme sopran-e-contralti, la Malibran et Pauline Garcia. En ce qui touche les voix mixtes, les exemples se multiplieraient à l’infini, tandis que, si l’on cherche de notre temps un soprano pur, sans alliage, normal, on ne trouvera guère que la Grisi ; et, pour nommer un véritable contralto, il faudrait remonter à la Mariani ou à la Pisaroni. Le soprano sfogato parcourt les deux octaves, et sa puissance réside d’ordinaire entre l’ut et le mi suraigu, tandis que le contralto, qui va du sol au mi, trouve sa force véritable entre le si et le la. Telle est à peu près la mesure de ces deux voix fondamentales, dont procèdent les mezzo-soprani, qui, bien qu’ils ne s’étendent que du au la, saisissent cependant presque toujours aux deux extrémités quelques notes qu’ils donnent avec plus ou moins de bonheur, ici ou là, selon qu’ils appartiennent à la classe des mezzo-soprani aigus ou des mezzo-soprani graves. Et c’est ce qui fait que tant de gens s’y trompent, et sur la foi d’un son arraché à l’enthousiasme du moment ou conquis par un travail opiniâtre, vont confondre ces organes mixtes avec les voix premières, les voix simples. On aurait grand tort de prendre l’étendue pour la seule et unique règle à suivre lorsqu’il s’agit de définir le caractère d’une voix. Un pur soprano peut ne monter que jusques au la sans qu’on lui conteste sa nature, de même qu’un contralto qui ne descend que jusqu’à l’ut a des titres aussi légitimes à son nom que celui qui prend le fa. Ce qui classe une voix, c’est la qualité du son, la franchise avec laquelle certaines notes sont émises. Il ne s’agit pas de pouvoir parcourir à son gré les mille gammes fantastiques d’un rossignol qui s’égosille, mais d’avoir dans la voix un milieu juste, large, sonore, sympathique, un instrument généreux que l’art développe et mette un jour au service de l’ame. Maintenant, si nous rangeons la voix de Mlle Loewe dans la classe des mezzo-soprani aigus, ce n’est pas que nous ignorions le moins du monde les ressources fécondes de cette voix splendide. Nous ne voulons pas renouveler ici les querelles de Berlin, et nous savons aussi à merveille que cette voix, qui module avec une hardiesse sans égale, peut toucher en ses velléités ambitieuses, d’une part, aux belles notes du soprano sfogato, de l’autre, aux sons graves du contralto ; mais ce qu’il y a de certain, c’est que la force originelle de cet organe, sa puissance, son timbre normal et caractéristique, résident entre le et le la, c’est-à-dire, dans la tonalité du mezzo-soprano. Cette quinte sert de point d’appui à sa voix tout entière ; elle en est, qu’on nous passe l’expression, elle en est le germe et le noyau. Alors, comment se fait-il que, lorsqu’il se rencontre par hasard dans son chant une note douteuse, ce soit justement à ce point le plus ferme et le plus solide que le dommage arrive ? À cela nous répondrons par une raison toute simple, c’est que là se trouve le passage le plus difficile à pratiquer qu’il y ait, le pont, comme disait Paër, entre le mezzo-falso et le pur falsetto, autrement appelé voix de tête, et que toute cantatrice, soprano sfogato ou mezzo-soprano, est sujette à trébucher en cet endroit. Nous avons nommé tout-à-l’heure la Persiani ; qu’on ne s’y trompe pas, il y a plus d’un rapprochement à faire entre l’élève de Tac-