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accès aux brises fraîches de la mer. Dans ce logis, les maîtres seuls occupent une pièce distincte ; le reste de la famille couche dans la grande salle, et les serviteurs ont de petites cellules séparées. Les nattes servent de lits, et les vêtemens de couvertures. Quant aux meubles, ils ne sont pas nombreux : ce sont des bols pour le kava, boisson favorite des naturels, des gourdes pour contenir l’eau, des vases de coco remplis d’huile pour la toilette, des escabeaux et des coussinets en bois. Entourées d’un verger, ces habitations forment de petits villages bien découpés, bien tenus, palissadés dans un but de défense et ombragés par d’impénétrables berceaux de verdure.

Les principales occupations qui animent l’intérieur de ces cases consistent, pour les hommes, dans la fabrication des armes, des filets et des pirogues ; pour les femmes, dans celle des étoffes. Les procédés employés pour ce dernier travail sont fort ingénieux : les ouvrières vont d’abord cueillir les plus jeunes baguettes du broussonetia, dont elles enlèvent adroitement l’écorce, qui, nettoyée et plongée dans l’eau, s’y macère dans un sens opposé à sa courbure naturelle. À la suite de cette préparation, on étend l’écorce sur un tronc d’arbre qui sert d’établi, et on la bat avec un maillet prismatique à quatre faces, tantôt uni, tantôt garni de rainures. De temps à autre, la matière est repliée sur elle-même pour être battue et étendue de nouveau ; puis, quand elle est arrivée au degré de finesse et de fermeté convenable on la fait sécher. Les pièces obtenues par ce procédé ont une longueur qui varie de sept à huit pieds, sur une largeur moitié moindre. Ainsi préparée, l’étoffe est blanche ; quand on veut la teindre, on la place sur une large planche garnie de substances fibreuses très serrées, et, à l’aide d’un bain de teinture de l’écorce du koka, on répand sur la pièce une couleur brune et lustrée. Un autre travail essentiel du ménage, c’est la cuisine, très raffinée dans l’archipel de Tonga. La préparation d’un porc entier dans un four de pierres incandescentes est une recette dont nos marins ont pu apprécier le mérite. Le porc est la base de tous les repas. Autour de ce mets de résistance figurent des fruits de toute sorte, des ignames bouillies et écrasées dans une émulsion de noix de cocos, des gelées faites avec des plantes saccharines, des racines de taro accommodées de diverses manières. Au moment du repas, ces divers objets sont étalés sur des feuilles de bananier, et le chef de la famille découpe les parts ; des serviteurs, debout derrière les convives, leur présentent de temps à autre des courges remplies d’eau de coco.

Les soins de la toilette sont un objet essentiel pour les Tongas, et