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DE L’INFLUENCE FRANÇAISE EN ITALIE.

Madrid, et ils conspiraient sans cesse contre la république de Venise, qui, bien que déchue de son ancienne splendeur, luttait encore avec courage contre les Ottomans. La seule maison de Savoie, qui avait la clé des Alpes, put se ménager une espèce d’indépendance ; et, tirant habilement parti de sa position, elle sut, par des alliances instables et souvent renouvelées, étendre lentement ses possessions. Depuis trois siècles, le Piémont est le seul état en Italie qui ait su s’agrandir, et cet agrandissement continuel est d’un bon augure dans un pays où tous les élémens de vie et de vigueur politique semblent manquer.

Bien que les Français n’allassent plus aussi souvent se montrer en armes aux Italiens, cependant les relations entre les deux peuples se renouèrent d’une autre manière, et la France, qui essayait, par des mariages multipliés, de soustraire les princes italiens à l’influence exclusive de l’Espagne, vit arriver à la suite de Catherine et de Marie de Médicis une foule de courtisans et de favoris dont la conduite ne dut pourtant pas toujours cimenter l’alliance entre les deux nations. Plus tard, les efforts immenses que fit Louis XIV pour asseoir son petit-fils sur le trône des Espagnes, donnèrent une grande idée de la puissance du cabinet de Versailles ; mais, à la paix, la France, qui sembla renoncer à ses anciens projets, permit à l’Autriche de s’emparer du Milanais, qu’elle avait toujours convoité. On ajouta à cette faute celle non moins grave de donner la Toscane au duc de Lorraine, qui devait bientôt la rendre une dépendance de l’Autriche. La France aurait mieux fait de se réunir à la Hollande pour obtenir le rétablissement de la république de Florence ; car le grand-duc, pressé par un de ses ministres, le marquis Rinuccini, ne se refusait pas, dit-on, à rendre la liberté aux Toscans.

Les souvenirs du règne de Louis XIV s’évanouirent sous la régence et sous Louis XV, et la France, déchue, par la faute de son gouvernement, du rang qu’elle doit occuper en Europe, semblait menacée de ne plus exercer aucune influence au dehors, lorsqu’elle se releva plus forte et plus puissante que jamais par l’action de ses écrivains. C’est un fait bien remarquable que la lenteur avec laquelle se sont répandus en Europe les ouvrages des grands écrivains français du XVIIe siècle, tandis que leurs successeurs ont pénétré partout avec une merveilleuse rapidité. En Italie comme ailleurs, les écrits de Montesquieu, de Voltaire, de Rousseau, ont été lus universellement avant que les tragédies de Racine ou les sermons de Bossuet fussent connus. Cela tient en général à ce que les écrivains du XVIIIe siècle,