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Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 25.djvu/684

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REVUE DES DEUX MONDES.

devienne un instrument de production et de travail, au lieu d’être, comme il l’est à présent, un instrument de sentimens et de passions. C’est un fait qui ne peut plus échapper à personne : les peuples qui produisent peu n’ont ni les richesses ni l’activité nécessaire pour résister aux peuples productifs et travailleurs. Sans doute, sous le rapport esthétique, l’homme productif est moins intéressant que l’homme artiste ; mais les artistes sont maintenant partout dominés par les travailleurs. La production active et multipliée, les affaires, la soif des richesses, sont aujourd’hui un stimulant funeste peut-être, mais nécessaire, pour les peuples, qui, à défaut d’autres principes, tomberaient dans l’anarchie ou dans l’affaissement. Il faut organiser les masses en Italie, il faut leur donner des besoins, des intérêts nouveaux ; il faut les faire participer à la prospérité du pays. Le sentiment religieux n’est plus assez vif pour agiter fortement le peuple, et d’ailleurs il se passera long-temps avant que ce principe soit une force entre les mains des amis de l’indépendance italienne. Tous ceux qui s’occupent de la morale, du bien-être et de l’instruction des masses, travaillent pour le sort futur de l’Italie et méritent la reconnaissance du pays ; mais il faudrait s’efforcer d’éviter ce qui est arrivé en d’autres contrées, où, à mesure que les masses s’élèvent, les sommités semblent s’affaisser. Il y a des gens qui ont cru remarquer que même en Italie, depuis que l’on s’y occupe beaucoup des connaissances et de l’instruction élémentaires, il surgit moins d’esprits supérieurs, et que les hommes qui honorent le plus ce pays sont presque tous d’un âge mûr. Ce ne peut être là qu’un fait accidentel, et sans doute la nouvelle génération, si dévouée à l’instruction du peuple, entreprendra avec succès dans la suite des travaux plus brillans, et n’oubliera jamais que, si le concours des masses est indispensable pour exécuter les grandes entreprises, les hommes éminens qui font la gloire des nations sont également nécessaires pour diriger ces entreprises et pour en assurer le succès.


G. Libri.