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Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 25.djvu/710

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REVUE DES DEUX MONDES.

passager, et dont le nom seul reste comme un bruit qui effraie, a-t-il conquis cette puissance ? par quels ressorts, misérables ou criminels, excusables ou hardis, a-t-il agi sur les hommes ses semblables ? Dans ce retour à la nature sauvage qu’on appelle une révolution, intermède singulier qui fait tomber tous les costumes et donne à chacun sa valeur naturelle, sous quelle forme ont apparu ces meneurs de l’humanité ? ont-ils eu de l’esprit vrai et du vrai courage, ou seulement de la témérité et du bonheur ? Rien de moins compris que ces phénomènes monstrueux qui naissent au milieu d’une éruption, n’apparaissant que tout environnés de flammes et de cendres ; le mouvement qui les emporte nous aveugle. Si nous revenons à les étudier quand l’élan est passé, l’éruption terminée et la cendre froide, nous ne pouvons plus les juger. Mais les juger pendant l’éruption est également difficile. Alors on voit en eux des idoles, et non pas des hommes. Il y eut une époque en France où toute la France était Voltaire, une autre où toute la France était Mirabeau, une autre où Napoléon s’élevait comme unique symbole. L’Angleterre, entre 1630 et 1660, dans ce grand et périlleux renouvellement de sa constitution, a eu aussi ses géans symboliques, points de ralliement lumineux qui marquaient la route révolutionnaire. Le premier a été Pym, le second Hampden, le troisième Cromwell.

Assurément tous les instrumens de révolution ne peuvent et ne doivent pas être confondus. Il y en a d’aveugles ; il y en a qui sont ou purs, ou intelligens, ou seulement féroces et déshonnêtes. Les grands-prêtres, les initiateurs de tout un mouvement, de toute une phase, sont Mirabeau, Napoléon, Cromwell. Après eux viennent les hommes de second ordre, mais puissans encore, qui s’emparent de toute la passion, de toute l’énergie populaires pendant un temps, et les dirigent vers leur but ; tels furent Danton et Pym. Les premiers du second rang, ils furent l’un et l’autre les ouvriers bourgeois, mais non vulgaires, de cette œuvre terrible qui déchira la vieille loi et en chercha une nouvelle. Pym et Danton avaient la même audace, le même instinct de l’à-propos, la même sympathie avec les masses, la même facilité à guider et à grouper les hommes, le même coup d’œil, apercevant le but et ne se laissant pas décevoir par une apparence ; le même mépris des honnêtes scrupules, les mêmes ardeurs de tempérament ; le même effroyable dédain des petites vertus. Du reste, ils furent jetés très diversement à travers les deux drames dont on les vit s’emparer quelque temps. Pym parut dans le sien dès les premières scènes ; il n’eut pas à lutter contre