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À travers tous ces détails de mœurs, qui indiquent des qualités honnêtes, des affections profondes, on trouve de temps à autre des faits qui dénotent parmi les Slaves, une effroyable barbarie. Quelques chroniques rapportent qu’on les vit plus d’une fois, oubliant toute idée d’humanité, déchirer le corps de leurs prisonniers et mettre leurs membres en lambeaux comme des cannibales. On dit aussi que les mères qui avaient beaucoup d’enfans égorgeaient leurs filles pour s’éviter la peine d’en prendre soin.

Le christianisme, qui devait effacer toutes ces cruautés, ne fut adopté que très tard et après de longues et violentes résistances par les populations slaves de la Poméranie et de l’île de Rügen. Au IXe siècle, des moines de l’abbaye de Corvey pénétrèrent au sein de ces provinces dévouées à l’idolâtrie, et y firent quelques conversions ; mais à peine s’étaient-ils éloignés, que le pays entier retomba dans ses anciennes croyances. Au XIIe siècle, le temple de Swantewit subsistait encore à Arcona. Il ne fallut rien moins que le zèle ardent de l’évêque danois Absalon, soutenu par les armes victorieuses de Waldemar, pour renverser ce dernier monument du paganisme, et vaincre les préventions que les tribus slaves, entourées de tous côtés par des populations chrétiennes, maintenaient avec opiniâtreté contre le christianisme.


Die Volkssagen von Pommern und Rügen (Traditions populaires de la Poméranie et de Rügen, recueillies par M. Temme). — Ce recueil est l’appendice nécessaire et pour ainsi dire le complément du livre de M. Barthold. Pour toute contrée qui aime et recherche les souvenirs du passé, il y a toujours deux histoires : l’histoire étudiée par les savans, compulsée dans les bibliothèques, épurée par la critique, et l’histoire traditionnelle, que le peuple admet et propage sans examen. La première est l’œuvre lente de l’étude et du raisonnement ; la seconde, l’œuvre spontanée de l’imagination et de la foi. Celle-là est littéralement plus vraie, celle-ci est plus attrayante et souvent plus caractéristique ; l’une est le maître austère qui donne des leçons et formule des axiomes, l’autre est l’enfant naïf et crédule qui aime l’enseignement entremêlé de contes et revêtu de symboles. Parfois ces deux histoires se rencontrent dans le récit du même évènement, et alors il est curieux d’observer comment toutes deux procèdent d’une façon différente, comment l’histoire critique s’attache à représenter le fait dans sa plus simple nudité, tandis que l’histoire traditionnelle l’entoure de circonstances romanesques et d’incidens merveilleux. Quiconque désire se rendre un compte exact des diverses révolutions d’un peuple, de son développement intellectuel, de son caractère, doit nécessairement étudier ces deux histoires ; car, si la première présente la narration sérieuse des faits, la seconde est en quelque sorte le miroir où se reflète l’émotion de doute, d’enthousiasme, d’amour, de regrets produite au cœur de la nation par ces mêmes faits. Souvent encore celle-ci est plus explicite que l’autre, et le merveilleux même dont elle s’entoure est une vérité. À une certaine époque, ce merveilleux a été le résultat immédiat d’un évènement ; vou-