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LA HOLLANDE.

qu’ils ne feront pas de folie. Certes on peut bien écrire d’excellentes plaisanteries sur cette façon d’inoculer l’amour de l’or dans le cœur d’un enfant et sur la vie parcimonieuse des plus riches banquiers ; mais voici un autre côté de la question. La Hollande est une contrée improductive, une contrée toute maritime, où l’on ne trouve pas même la matière première d’un navire : le bois, le fer, le chanvre[1]. Elle ne subsiste que par son commerce, et la prospérité de son commerce repose en partie sur son économie ; c’est par l’économie que ce petit pays a fait tant de grandes choses ; c’est par-là qu’il peut soutenir les charges énormes qui lui sont imposées aujourd’hui. Ajoutons à ceci que tous les calculs d’économie si chers aux Hollandais sont mis de côté dès qu’il s’agit d’une question d’utilité publique ou de charité. Je ne crois pas qu’il y ait dans aucun pays autant de beaux et vastes établissemens de bienfaisance, de maisons de refuge pour les pauvres et les orphelins, et d’écoles gratuites, qu’il y en a en Hollande ; et tous ces établissemens ont été fondés et sont entretenus par les particuliers. La religion exerce à cet égard sur eux une grande influence. Le peuple hollandais est très attaché à ses croyances, et il ne se contente pas de vénérer les maximes de la Bible et de l’Évangile, il les met en pratique. Chaque hiver, de nouvelles listes de souscriptions pour les pauvres sont répandues de toutes parts, et il n’est pas un bourgeois, pas un ouvrier même, qui ne se cotise largement et de bon cœur pour secourir ceux qui souffrent. Chaque fois qu’une digue se rompt, qu’un malheur afflige une partie du pays, on fait un appel à la charité des Hollandais, et toujours ils répondent à cet appel par des dons considérables. Il y a quelques années qu’une des provinces du sud ayant été dévastée par une inondation, on demanda de tout côté des secours pour les victimes de ce désastre. Un jour la souscription fut envoyée chez un négociant de Rotterdam, riche mais parcimonieux, qui habitait une petite maison obscure et se montrait toujours mal vêtu : ce négociant fit remettre aux commissaires 50,000 francs.

Ces mêmes hommes qui oublient si facilement leurs principes d’économie pour secourir les pauvres, ne craindront pas non plus d’outrepasser leur budget ordinaire s’il s’agit d’acheter une œuvre d’art ou un livre précieux. La Hollande est le pays des collections.

  1. À Amsterdam, cette capitale du commerce, cette grande ville où tant de bâtimens viennent chaque jour prendre leur cargaison et faire leurs approvisionnemens, il n’y a pas même de l’eau potable. On la fait venir de dix lieues de là dans des bateaux, et l’hiver, quand les sources et les canaux sont gelés, elle coûte fort cher. L’eau de Seltz est à meilleur marché.