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Il y a peu de familles aisées chez lesquelles on ne trouve des meubles, des tableaux, des bijoux d’un autre temps amassés avec soin et conservés avec un respect religieux. Quelques riches particuliers ont des collections qui feraient honneur à des princes. Une partie leur a été léguée par leurs aïeux ; le reste, ils l’ont recueilli eux-mêmes à force de recherches et d’argent. Telle est, par exemple, à Amsterdam, la collection de tableaux de MM. Six, Van Brienen et Van der Hoop ; à La Haye, la collection d’elzevirs et d’impressions du XVe siècle de M. le baron Westreenen ; à Leyde, la collection de M. Siebold, à laquelle on a donné le nom de Musée japonais, et qui est un véritable musée de toutes sortes d’objets d’arts, d’ustensiles et de productions de l’Inde. Les collections des villes ont même été en grande partie formées par des particuliers. C’est à un seul homme, par exemple, au savant naturaliste Temminck, que l’université de Leyde doit la prodigieuse quantité d’oiseaux qui est une des principales richesses de son célèbre cabinet d’histoire naturelle. C’est par des négocians, des fonctionnaires, que les cabinets de raretés d’Utrecht, de Groningue et des autres villes se sont successivement agrandis. Il est à regretter que toutes ces collections, formées ainsi de dons gratuits, ne soient pas gratuitement ouvertes au public. Nul musée, nul édifice curieux ne s’ouvre sans une rétribution. Passé l’heure de l’office, les églises même sont fermées, et s’il y a là une colonne, un tombeau qui vous intéresse, vous n’y arriverez qu’en payant un tribut au sacristain. La question d’argent se mêle ici à toutes les relations de la vie et se représente à chaque instant sous toutes les formes. Tantôt elle vous apparaît dans les rues sous la figure d’une vieille femme juive qui vous prend par le collet pour vous forcer à voir son étalage de fruits ou de vaisselle, tantôt sous celle d’un colporteur de loterie qui vous poursuit pour vous faire prendre un billet, quelquefois sous la physionomie timide et respectueusement obséquieuse d’un officieux qui s’offre à vous montrer la digue ou à vous indiquer la rue que vous cherchez, et quand vous sortez le soir d’une maison où l’on vous a honnêtement prié à dîner, vous la voyez couverte d’une livrée, portant une bougie pour vous éclairer et attendant un florin. En vérité, la France peut, à bon droit, s’appeler une nation libérale ; tous ses trésors d’art et de science sont livrés sans réserve à la curiosité de l’étranger ; il peut passer des années entières dans la plus riche bibliothèque du monde sans qu’on lui demande seulement qui il est, et pour entrer au Louvre il n’a qu’à montrer son passeport.

Les paysans de la Hollande sont, comme les habitans des villes,