Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 25.djvu/81

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
77
LA HOLLANDE.

remarquables par leur esprit d’ordre, de travail, et leurs habitudes d’économie. Ils ont de plus un fonds de moralité que l’on chercherait vainement dans plus d’une maison de La Haye ou d’Amsterdam. Le luxe et la paresse n’ont pas encore corrompu le cœur de leurs filles ; c’est dans l’intérieur des villes que le vice recrute ses victimes, et sous ce rapport la statistique d’Amsterdam n’est pas moins triste que celle de Paris. Ce qui sert surtout de sauvegarde aux paysans contre les tentations de la cité, c’est un sentiment religieux si intime, si ferme, que nulle part peut-être, dans ces temps de doute et d’incrédulité, on n’en trouverait un semblable. Tous savent lire, et de préférence ils lisent la Bible, les Psaumes et d’autres livres de piété. Beaucoup d’entre eux ne se contentent pas de graver dans leur mémoire le texte de l’Écriture sainte, l’enseignement des apôtres : ils discutent ce texte comme des théologiens, ils se posent des questions de controverse comme au temps des conciles. Souvent le dimanche, au retour de l’église, on peut les voir assis devant une table, la pipe à la main, analysant le sermon du prêtre, pesant ses paroles, indiquant son côté faible. Il y a en Hollande un traité de théologie en quatre énormes volumes in-quarto qui épouvanterait le plus intrépide cénobite. On vient de le réimprimer pour la vingt-deuxième fois. Tous les paysans veulent avoir cet ouvrage chez eux ; presque tous l’ont lu, relu et commenté. De cet esprit d’examen et de discussion résultent nécessairement de vives dissidences entre les habitans d’une même communauté, et dans un pays où tout prend un caractère sérieux et une forme durable, ces dissidences enfantent des sectes. La Hollande est l’une des contrées où il y a le plus de sectes religieuses, mais elles vivent l’une à côté de l’autre dans un accord parfait. Personne ne craint d’avouer sa croyance, car toutes les croyances sont admises par le gouvernement et respectées par les individus. Le sentiment de l’art, l’amour du chant et de la mélodie n’enchante point les villages de la Hollande comme ceux de l’Allemagne. Que de fois, sur les bords de l’Elbe ou de la Sprée, au pied du Thuringerwald, aux rives charmantes du Danube, je me suis arrêté surpris et charmé tout à coup par la voix harmonieuse de quelques compagnons ouvriers qui se reposaient le long de leur route et chantaient en chœur un de leurs refrains chéris. Le paysan hollandais ne chante pas. À ces foires annuelles, qui sont les vraies fêtes du peuple, à ces kermisse tant aimées, on le voit se promener gravement de boutique en boutique avec sa femme ou sa fiancée, puis il entre dans une taverne, il allume sa pipe, se fait servir son verre de bière ou