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Azolo, ne gardant plus alors aucun ménagement, souleva une énorme poutre de sapin qui gisait sur le sol, à quelques pas de sa maison, et l’appuya contre le volet qui fermait la fenêtre, s’en servant comme d’un arc-boutant pour l’empêcher de s’ouvrir. Il barricada également la porte en dehors, et quand il fut bien certain que les coupables ne pouvaient s’échapper, il s’assit tranquillement sur un petit tertre, à quelques pas de sa maison, et la regarda brûler avec cette amère joie que donne la vengeance satisfaite. Quelques instans s’étaient déjà écoulés lorsque d’effroyables cris de femme, auxquels se mêlaient des hurlemens et des imprécations terribles, partirent de l’intérieur du châlet, dont tout l’extérieur était en flammes ; de prodigieux efforts ébranlèrent en même temps le volet de la fenêtre solidement maintenu en dehors par la poutre de sapin. Dans cet instant, attirés par ces cris et par l’éclat des flammes, accouraient de tous côtés les habitans des châlets voisins. Ils s’élançaient pour éteindre l’incendie ; d’un mot, Azolo les instruisit et les arrêta. — Laissez faire, leur dit-il, Mélane et Giacomo sont là ! — Ses compagnons l’avaient compris, ils l’applaudirent et laissèrent faire ; bien plus, ils vinrent en aide à sa vengeance. Lorsqu’après de terribles efforts, Giacomo, qui venait de briser le volet à demi consumé, parut à la fenêtre, tenant Mélane dans ses bras, et voulut s’élancer au dehors, armés de pioches, de fourches et de fléaux, ces hommes sans pitié, sourds aux rugissemens de l’un, aux supplications et aux cris de désespoir de l’autre, les repoussèrent dans les flammes au milieu desquelles on les vit rouler, se tordre et s’abîmer. — Azolo, depuis, s’est consolé et a même pris dans le pays une autre femme, qui cette fois ne l’a pas trompé.

Nous sortîmes des Sette Communi par un chemin fort différent de celui que nous avions suivi pour y entrer. Au lieu de s’enfoncer sous terre comme le sentier du Busso, celui-là semblait tracé dans les nuages. C’est le chemin qui rejoint le val de la Brenta et Bassano par Ronchi, Fossa et Ennego. Au moment de quitter le territoire de la petite république, nous ne pouvions assez admirer l’esprit industrieux de ses habitans, qui, de tous côtés, se signalait par les plus singulières tentatives. Là c’était un troupeau tout entier qui voyageait dans les airs : chèvres et moutons, suspendus à des cordes, étaient hissés le long de roches à pic, et passaient ainsi des pâturages de la vallée que le soleil avait desséchés, aux pâturages de la montagne que les neiges venaient de découvrir, et qui, dans ces localités, ne sont accessibles que de cette façon. Comment l’homme qui doit hisser ces animaux sur ces plateaux élevés, y arrive-t-il ? Je frémis encore en