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LES PROVINCES DU CAUCASE.

Le général Grabbe me proposa de visiter les nouvelles forteresses qu’il fait élever sur les bords du Kouban ; une suite de redoutes commençant à Pretchnoiokop doit être établie jusqu’à Tifliskaia. Des colonies militaires seront créées pour occuper tout cet espace formé par le circuit du Kouban ; les populations qui habitaient cette plaine se sont retirées dans l’Abkazie, ne voulant pas se soumettre aux Russes. Le terrain est, dit-on, riche et fertile, mais le voisinage des Tcherkesses empêchera toute culture, et il sera difficile, je pense, de résister aux incursions fréquentes que tenteront ces montagnards pour enlever les bestiaux des colons.

Le général Grabbe me paraissait enchanté de la construction de ces forteresses, qui devaient, disait-il, mettre en valeur un immense terrain jusqu’alors abandonné. Je ne comprend pas, je l’avoue, l’utilité de ces dépenses, car ce n’est pas l’espace qui manque aux Russes. : rien ne les empêche d’occuper les plaines du Kouban, qui sont marécageuses et malsaines ; mais leur position ne changera pas, tant qu’ils ne pourront sans péril s’aventurer dans les montagnes.

En quittant Stavropol, je traversai quelques collines peu élevées, et presque entièrement dégarnies de bois. Les relais de poste sont établis dans des redoutes, servant également de colonies militaires aux Cosaques. De distance en distance, à mesure que l’on se rapproche du Kouban, on trouve des postes de Cosaques qui veillent pendant le jour, afin d’avertir les colons dans le cas où ils auraient à craindre une incursion des Tcherkesses ; la nuit, ces Cosaques rentrent dans les redoutes.

Huit régimens ont été colonisés pour la défense de la ligne qui part de l’embouchure du Terek dans la Caspienne, et se prolonge jusqu’à celle du Kouban dans la mer Noire. Le chiffre de cette population s’élève en tout à quarante mille hommes ; le nombre des combattans fournis pour les régimens expéditionnaires est à peu près de six mille. Ces Cosaques, originaires de l’Ukraine, sont habitués à la guerre contre les Tcherkesses ; ils peuvent lutter contre eux sans trop de désavantages, surtout appuyés comme ils le sont par de l’artillerie. Presque tous possèdent des bestiaux qui forment leur principale richesse. Toutes ces colonies sont organisées pour la guerre ; un rempart et des fossés les entourent ; dans l’intérieur de cette enceinte, de petites maisons en bois s’élèvent, isolées les unes des autres, et forment plusieurs rues qui partent toutes d’un même centre. Dans quelques colonies, le gouvernement impose aux habitans l’obligation