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POLITIQUE EXTÉRIEURE.

l’homme qui n’a rien appris ni rien oublié dans les troubles qui ont désolé son pays depuis trente ans ; l’autre était, dit-on, l’ancien et intime ami d’Arguellles, le ministre, actuel de la justice, Gomez Becerra, si connu par la violence étroite de ses opinions. Le véritable chef des progressistes, l’ennemi juré d’Espartero depuis qu’il a été renversé par lui, M. Calatrava, ne paraissait pas encore, mais il tenait tous les fils de l’intrigue, et se réservait évidemment pour le cas où il y aurait plus tard un nouveau régent à mettre à la place de l’un des trois, on devine lequel.

En acceptant la triple régence, mais en repoussant MM. Arguelles et Gomez Becerra, Espartero peut encore gagner du temps, et il est probable par cela seul que ce sera le parti qu’il prendra en définitive. S’il en est ainsi, il est encore plus probable que les exaltés consentiront provisoirement à ce terme moyen qui serait pour eux un succès suffisant pour commencer. En demandant davantage, ils risqueraient de pousser à bout Espartero, qui est encore après tout, à la tête de deux cent mille hommes. S’ils parvenaient pour cette fois à le réduire au tiers de l’autorité suprême, ils devraient se tenir pour très satisfaits. Le reste de la tactique qu’ils suivraient sans doute ensuite serait facile à prévoir. Quels que fussent les deux autres co-régens, il serait toujours possible de les effrayer ou de les séduire plus tard. Puis il y aurait plus d’un moyen d’attaquer encore la position d’Espartero : on pourrait par exemple soulever dans quelque temps la question de savoir si un régent peut constitutionnellement avoir le commandement de l’armée. Les argumens ne manqueraient pas pour soutenir le contraire, car le contraire est évidemment la vraie doctrine constitutionnelle. Or, si le commandement de l’armée était jamais retiré au duc de la Victoire, tout serait dit. Il ne descend plus alors, il tombe.

Dans le cas où il n’y aurait pas de transaction, il sera bien difficile à Espartero d’enlever la régence unique. Au sein des cortès, la question paraît perdue pour lui. Le parti de l’Eco del Comercio l’a emporté partout dans le simulacre d’élections qui vient d’avoir lieu. Une assemblée préparatoire des membres des nouvelles cortès s’est réunie récemment ; sur soixante-trois votans, il n’y a eu que deux voix pour la régence d’un seul ; la presse de Madrid, à l’exception d’un seul journal, El Castellano, qui est sous l’influence du comte-duc, a pris parti pour la régence triple. Le ministère lui-même est de connivence avec les exaltés contre son chef. Epartero ne peut mettre son espoir que dans l’armée ; avec l’armée, il peut encore faire vio-