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d’asseoir les rapports futurs de l’Angleterre et de la Chine sur des bases plus larges et plus durables. Mais si l’on tombait d’accord en Angleterre sur cette nécessité d’imposer au gouvernement chinois un traité de commerce qui protégeât l’avenir, des spéculations auxquelles l’Inde anglaise et la Grande-Bretagne ne voulaient pas renoncer, on ne s’entendait pas aussi bien sur les moyens d’exécution de cette grande mesure. Dans l’opinion de plusieurs personnes qui avaient été à même d’étudier d’assez près le caractère chinois et les ressources de la Chine, ou plutôt les élémens de résistance dont elle pouvait disposer, les Anglais devaient rencontrer des obstacles plus sérieux que ceux auxquels on s’était attendu. En France, cette opinion comptait de nombreux partisans : notre consul-général à Manille, M. Adolphe Barrot, dans un travail remarquable publié par la Revue des Deux Mondes[1], avait examiné la question avec soin, et se croyait autorisé à prédire que les Anglais échoueraient dans toute tentative de représailles. Mais en ne tenant compte que des difficultés de l’invasion, des dangers de l’occupation présumée d’une partie du territoire et de l’obstination d’un gouvernement qui ne recule devant aucun sacrifice pour résister à une agression étrangère, on paraissait oublier ce que peuvent l’énergie, l’intelligence et la science militaires, l’artillerie et les navires à vapeur de l’Europe, opposés à la vanité indolente, à l’ignorance puérile, aux armes inutiles, aux jonques des Chinois. On ne réfléchissait pas que le gouvernement chinois lui-même avait intérêt à ce que l’interruption des relations commerciales ne se prolongeât pas sans nécessité ; qu’enfin, dans un pays où la vénalité des fonctionnaires publics est un fait universellement reconnu, l’argent répandu à propos peut au besoin aplanir bien des obstacles. D’ailleurs on s’était mépris jusqu’à un certain point et sur les causes véritables de la rupture entre les deux gouvernemens, et sur les moyens que l’Angleterre devait mettre en usage pour faire accepter à l’empereur les conditions qu’il était prudent de lui offrir avant de pousser les choses aux dernières extrémités.

Le plan d’opérations adopté par le gouvernement anglais est fort analogue à celui dont nous avions donné une idée l’année dernière[2], d’après un petit écrit de M. H. Lindsay, ancien employé de la compagnie des Indes à Canton.

  1. Livraison du 15 novembre 1839. — M. Barrot insistait surtout sur la résistance passive que la Chine n’hésiterait pas à opposer aux Anglais.
  2. No de la Revue déjà cité.