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HISTORIENS MODERNES DE LA FRANCE.

éclat, en 1833, par l’insertion dans cette Revue d’une nouvelle série de Lettres sur l’Histoire de France, me paraît plus belle encore que la première et dans un progrès continu. En effet, de retour à Paris dans une disposition d’esprit de plus en plus calme et résigné à ses souffrances, ayant, comme il le dit si éloquemment lui-même, fait amitié avec les ténèbres, entouré de toutes les compensations que peuvent fournir l’estime universelle, les affections de famille et les soins d’une compagne digne de le comprendre et quelquefois de l’imiter[1], M. Thierry, dans la demi-solitude que lui ont faite à la fois sa situation et ses habitudes de travail, partage la puissance de son esprit entre plusieurs grandes tâches, dont il poursuit l’accomplissement, et dont il nous reste à montrer la direction et l’importance. D’abord il s’occupa avec une persévérance qu’on ne peut trop admirer, de la correction et de la révision définitive de l’Histoire de la Conquête de l’Angleterre par les Normands. Faisant ensuite un choix parmi ses mélanges, il les recueillit, en un volume, sous le titre de Dix ans d’Études historiques. C’était, en quelque sorte, la liquidation de son passé ; une série nouvelle de travaux allait réclamer son zèle.

À la fin de 1836, M. Thierry fut appelé par la juste confiance de l’autorité à la surveillance d’une entreprise immense et qu’on pourrait appeler bénédictine, devant laquelle son dévouement à la science n’a pas reculé. M. Guizot, qui, professeur d’histoire moderne à la Sorbonne, avait acquis tant de titres à la reconnaissance des lettres, en publiant, vers 1824, la traduction des mémoires relatifs à l’histoire de France, depuis la fondation de la monarchie jusqu’au XIIIe siècle, ministre de l’instruction publique en 1833, pensa avec raison que les efforts isolés de quelques particuliers ne pouvaient suffire à la mise en lumière des pièces innombrables qui intéressent notre histoire et que renferment les bibliothèques, les archives et les divers dépôts publics du royaume. Il institua près le ministère de l’instruction publique, à la fin de 1834, un comité chargé de la cherche et de la publication des monumens inédits de l’histoire de France. Ce comité reconnut bientôt la nécessité de former une collection des chartes des communes et des statuts municipaux des villes de France, collection

  1. On n’a pas oublié sans doute des fragmens pleins de vérité d’observation et d’une grande finesse de pensée qui ont été insérés dans cette Revue, par Mme Augustin Thierry sous le titre de Philippe de Morvelle. Ces morceaux, recueillis et complétés, ont paru en un volume in-8o, sous le titre de Scènes de mœurs aux dix-huitième et dix-neuvième siècles.