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(Tobie et l’Ange) dont la composition ambitieuse, mais pauvre, vise à la simplicité du grand sans y atteindre.

Les vues intérieures de villes et d’édifices ne nous offrent cette année qu’un petit nombre de morceaux d’artistes, la plupart connus depuis assez de temps ; deux Vues de Venise de M. Joyand, qui est resté le maître en ce genre ; quelques souvenirs de villes d’Allemagne par M. J. Ouvrié, touchées avec science et vérité ; l’intérieur de la Cathédrale de Milan de M. Sebron, où les tons violacés et rougeâtres dominent trop ; enfin la Vue de Naples et d’AlgerM. Wyld prodigue avec trop de luxe les effets pyrotechniques de la lumière. Parmi les noms moins connus et dont les ouvrages offrent de l’intérêt, on trouverait ceux de M. Villa-Amil pour son église d’Alcala de Henarès, M. Woench pour sa Vue de Rome, M. Vinit pour son Église à Palerme et ses Pyramides.

Comme annexe du paysage, il convient de ne pas oublier les trois scènes de chasse de M. Jadin, qui remet en lumière un genre très peu cultivé aujourd’hui, et qui a produit dans tous les temps de très habiles maîtres, dont les plus connus en France sont Snyders, Oudry et Desportes. Sans égaler la vérité naïve d’observation et surtout la finesse et la vivacité d’exécution de ces peintres, M. Jadin ouvre cette route avec assez de talent pour engager quelques artistes à le suivre. M. Ph. Ledieu a exposé aussi une Chasse au chevreuil et une Chasse au cerf qui n’ont rien d’assez saillant pour exiger une description particulière.

Les marines sont relativement assez clair-semées. Les occasions de voir la mer sont si rares pour nos artistes parisiens, qu’il faut des circonstances particulières ou une vocation tout exceptionnelle pour les entraîner dans cette voie. Aussi ne voyons-nous guère que des noms sur lesquels nous n’avons rien à apprendre. M. Gudin a exposé à lui seul plus de tableaux que tous les autres ensemble ; il en a fait dix-sept cette année, et c’est beaucoup. La plupart sont des batailles destinées à Versailles. Cette fécondité suppose une facilité peu commune ; mais elle est explicable. M. Gudin est doué de facultés naturelles rares ; c’est un talent franc et d’une grande distinction. Mais, s’il faut le dire, il s’est habitué à compter tellement sur ses ressources personnelles qu’il a un peu perdu de vue la nature. Il paraît ne plus voir la mer et tout ce qui en dépend qu’au travers de ses souvenirs, et surtout au travers de ses propres tableaux. Il ne fait presque ainsi que se traduire indéfiniment lui-même, avec esprit, avec intelligence, avec habi-