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REVUE. — CHRONIQUE.

ces considérations, exhorter les légitimistes à se rallier demain à la monarchie de juillet. En vérité, ils lui feraient naître, en se ralliant dans ce moment plus d’embarras et de difficultés qu’ils ne lui apporteraient de force. Sans doute la révolution de juillet, qui est le pays, ne repousse personne ; tout Français peut grossir les rangs du parti national ; il accomplit un devoir. Mais ce n’est ni à la révolution ni au gouvernement qui la représente de faire des avances ; elle peut tolérer sans inquiétude sérieuse ces coteries excentriques dont un jour ou l’autre les vaines tentatives révéleront toute l’impuissance. Il n’y aurait ni dignité ni utilité à caresser la contre-révolution, dans l’espérance de la ramener dans les rangs de la nation. Laissons ce soin au temps, à l’expérience. Chaque année, les partis extrêmes perdent quelque chose de leur importance ; ils s’usent et ils se transforment de jour en jour ; encore quelques essais, coupables sans doute, mais impuissans, et la transformation sera rapide. La révolution de juillet n’a qu’à se maintenir forte, modérée et vigilante.

Le parti légitimiste avait reçu un rude échec par la loi sur les fortifications de Paris, votée à une grande majorité dans l’une et dans l’autre chambre. Qu’il avait été mal inspiré ! Lui qui n’était rentré en France qu’à la suite de l’étranger, s’opposer avec acharnement à un projet qui avait pour but de fermer les portes de la capitale à l’étranger ! Que pouvaient dans l’opinion publique, contre ce terrible rapprochement, les déclarations les plus explicites, les protestations les plus énergiques ? Nul n’était plus intéressé que les légitimistes à défendre le projet des fortifications, et il est sans doute parmi eux des hommes éclairés qui ont compris cette vérité. Ils n’ont cependant pu le faire ! Ils ont cédé aux nécessités de leur situation. Il est si difficile aux partis extrêmes d’être habiles et prudens !

Dès-lors le parti n’a rien négligé pour réparer cet échec, pour se relever de cette défaite. Il s’unit aux adversaires du 1er mars pour grossir le déficit, pour dire de nos finances ce qu’on pourrait dire tout au plus des finances du Portugal ou de l’Espagne. Il joint ses efforts à ceux de quelques libéraux et d’une partie du clergé pour faire échouer le projet du gouvernement sur la liberté de l’enseignement secondaire. À la chambre des députés, il s’allie à la gauche ; à la chambre des pairs, il trouve d’autres alliés, et il est l’ennemi acharné du 1er mars, qu’il ménage au Palais-Bourbon. Souscriptions, conférences, arrivée de M. de Villèle à Paris, que sais-je ? rien na été omis de ce qui pouvait persuader au public que le parti ne se tenait pas pour battu.

Certes il n’y rien là de bien redoutable. Le parti profite de nos divisions ; c’est ridicule à nous de lui offrir ce moyen ; c’est son droit à lui de s’en servir. Mais tant qu’il ne lancera contre nous que des budgets fantastiques, des pamphlets et des discours, fussent-ils tous éloquens, la révolution de juillet peut persister sans crainte dans sa noble tolérance. Les paroles du parti légitimiste n’iront jamais au cœur du pays. Il ne parle et il n’écrit que pour lui-même. C’est une église qui peut réchauffer le zèle de ses fidèles ; elle ne fera pas de prosélytes.