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Le verdict dans l’affaire du journal la France lui est arrivé comme une bonne fortune au moment où le parti croyait avoir besoin d’agitation et de bruit.

Nous n’avons rien à dire sur le verdict. Le défenseur a plaidé fort habilement la question de bonne foi, et il est parvenu à faire accueillir son système par les jurés. C’est un fait judiciaire auquel on a, ce nous semble, attaché trop d’importance. Qu’est-ce que cela prouve ? Que l’éloquence de M. Berryer a persuadé six jurés de la bonne foi de son client, et qu’en conséquence l’éditeur de la France a pu, sans être responsable d’offense, publier trois lettres qui n’en sont pas moins, pour tout homme qui veut les examiner avec attention, des pièces indignes de toute croyance. L’éditeur est acquitté, valablement acquitté, définitivement acquitté ; tant mieux pour lui. Nul n’a le droit de lui dire : Vous n’étiez pas de bonne foi. Le verdict à la main, il a, lui, le droit de dire : Je l’étais.

Mais nous avons tous le droit d’user de notre intelligence et de soutenir, si nous sommes convaincus, que ces trois lettres sont fausses.

Et qui doit plus que personne être frappé de l’étrangeté de ces pièces et pour le fond et pour la forme ? Précisément les hommes d’un certain monde, eux si sensibles aux délicatesses et je dirais presque à l’étiquette du langage, et qui se piquent d’en discerner jusqu’aux dernières nuances. Quelles que soient leurs antipathies politiques, ils savent bien qu’on ne se serait pas écarté de certaines formes habituelles, et que certaines expressions ne seraient point tombées de la plume à laquelle on a osé les attribuer.

Au surplus, rien de plus curieux et de plus décisif que le fait publié aujourd’hui par le Messager. C’est dans un livre, livre au reste que nous ne connaissons pas, que la Contemporaine aurait copié une des trois lettres. Et qu’on le remarque, dans ce livre, ces phrases n’étaient pas données comme tirées d’une lettre ; elles seraient non le texte, mais le sens d’une réponse verbale faite par le roi à l’ambassadeur d’Angleterre, et transmise par celui-ci au duc de Wellington. Ainsi, pour que la lettre ne fût pas fausse, il faudrait non-seulement que la réponse verbale fût exacte, et le Messager affirme qu’elle ne l’est pas ; il faudrait en outre que, voulant ensuite dire les mêmes choses dans une lettre, le roi se fût trouvé écrire tout juste les mêmes phrases, les mêmes mots, à un mot près, qu’avait employés l’auteur de l’extrait : c’est dire qu’il aurait fait du premier coup ce qu’on ne ferait pas, selon les règles des probabilités, pour un morceau si étendu, après un millier d’essais inutiles.

Nous avons honte d’insister sur des faits de cette nature, et de voir ainsi l’arène politique contaminée par les impostures d’une prostituée. Tout parti qui s’abaisse à de pareils moyens fait aveu de décadence et d’impuissance. Combattez, combattez vaillamment, si vous le pouvez encore, mais n’empoisonnez pas vos flèches.

Au reste, le parti légitimiste subit la loi de tous les partis politiques. Plus ils sont aux abois, et moins ils sont accessibles aux scrupules. C’est alors que la fin leur paraît justifier tous les moyens. Les habiles trouvent toujours un