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21 voix. Le cabinet va-t-il se retirer ? nullement. Il faut bien se persuader que les anciennes traditions parlementaires, les traditions des parlemens aristocratiques, sont profondément modifiées, même en Angleterre. Elles supposaient des assemblées divisées en deux partis fortement organisés et soumis à une discipline sévère. Dans les assemblées fractionnées, il peut y avoir défaite sans victoire. On est battu par des coalitions ; qui peut profiter du combat ? personne, puisque l’armée qui a vaincu est, pour ainsi dire, dissoute avant de quitter le champ de bataille.

Les tories de lord Lindhurst, les tories de sir Robert Peel, le parti Stanley, le parti Grey, sont hors d’état maintenant de s’emparer du pouvoir, et n’ont aucune envie de le donner à un de leurs alliés du moment. Ils préfèrent temporiser, épier des occasions plus favorables, plus décisives, lorsqu’ils pourront espérer, à l’aide d’une élection générale, de fonder une administration durable. Il faut bien le reconnaître, les tories modérés gagnent tous les jours du terrain en Angleterre. En Angleterre, ils sont plus populaires qu’on ne pourrait le croire de ce côté-ci de la Manche ; mais ils sont en présence de l’Irlande, qui les déteste. Là est la force de l’administration actuelle, administration du reste que la reine n’abandonnera que lorsqu’il lui sera absolument impossible de la conserver plus long-temps. Cette détermination de la reine ne tient pas à des pensées politiques, mais à des convenances d’intérieur, à des relations de cour. La reine est fort attachée aux dames dont elle est entourée, et, dans les idées anglaises, elle devrait s’en séparer si un nouveau cabinet prenait la place du cabinet Melbourne. Il ne supporterait pas à Windsor des influences qui lui seraient hostiles.

Au surplus, ces débats de politique intérieure, en Angleterre, sont d’un faible intérêt pour nous. Au fait, quel que fut le ministère, la politique extérieure de l’Angleterre n’en recevrait pas de changement essentiel. Les partis s’en occupent fort peu, et les hommes qui peuvent être appelés à la diriger pourraient en modifier les formes, ils n’en changeraient pas le fond. La route de l’Angleterre est profondément tracée ; elle ne peut ni en dévier ni s’arrêter.

Une mort inattendue vient d’enlever à la confédération américaine son président. Selon la constitution du pays, il est remplacé par le vice-président. C’est la première fois que cette charge purement honoraire et nominale devient tout à coup une fonction réelle. Il est difficile de dire si ce changement soudain, imprévu, aura une influence sensible sur la marche des affaires aux États-Unis. Nous ne connaissons pas assez les hommes de ce pays et la situation actuelle des partis politiques qui le divisent. M. Tyler, Virginien, représentant des idées, des intérêts, des états du sud, remplace tout à coup le général Harrison, que la faveur des états du nord avait porté à la présidence. En partant de cette donnée, on a pu faire des conjectures sur les tendances de la nouvelle administration. On imagine que le nouveau président sera moins enclin à un arrangement facile avec l’Angleterre que ne l’était M. Harrison. On dit que les principes de liberté commerciale, si favorables aux états du sud, repousseront dans les conseils de la nouvelle administration les tendances