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REVUE. — CHRONIQUE.

prohibitives des manufacturiers du nord. On oublie que l’influence du président, déjà fort limitée par la constitution du pays, sera encore affaiblie par les circonstances particulières où se trouve M. Tyler, arrivé aux affaires par un accident et en quelque sorte contre le vœu de la majorité des électeurs. Il a des ménagemens à garder ; il doit se créer des forces qui lui soient propres avant de songer à s’en servir. Au surplus, on le dit habile, instruit, modéré. Si tout ce qu’on affirme de lui est vrai, la mort n’aura pas dérangé les affaires des États-Unis.

Les affaires de l’Orient sont toujours en suspens. La révolution ministérielle de Constantinople n’aura pas une grande portée ; on l’a attribuée à lord Ponsonby, aux Autrichiens, aux Russes, à Méhémet-Ali, aux ultrà Turcs, à tout le monde, même à deux écrivains français qui auraient, par leurs publications, bien accueillies de Reschid-Pacha, effrayé le divan et alarmé les conservateurs mahométans.

Ici le vrai est dans l’éclectisme. Il y a eu un peu de tout cela dans la chute de Reschid-Pacha. Le sérail le détestait, car le sérail n’aime guère le progrès, et la sultane Validé n’était pas fort éprise de nos chartes constitutionnelles. Reschid-Pacha avait à expier la comédie de Gulhané et toutes les imprudences et les folies qu’il laissait dire autour de lui. Lord Ponsonby le détestait, parce que le ministre turc avait eu la rare impertinence de vouloir être autre chose que l’humble commis du noble lord, et qu’il s’était avisé de faire je ne sais quels actes sans lui demander au préalable son exequatur. L’œil perçant des antagonistes de Reschid n’a pas tardé à découvrir les signes de la colère du diplomate. C’était là le nœud de la question. Une fois assurés que le bras puissant de l’ambassadeur ne s’étendrait pas pour empêcher la chute du ministre, les ennemis de Reschid n’ont plus hésité. L’internonce autrichien n’a pas nui à l’entreprise ; son maître désirant avant tout le pacifique arrangement de l’affaire égyptienne, il espérait plus de condescendance de la part d’une administration étrangère au premier hatti-schériff. Enfin, il paraît également positif que l’ambassadeur russe a secondé l’attaque par ses menées souterraines. C’est toujours un imbroglio de plus à Constantinople, et les idées de nationalité, de réforme, d’indépendance, dont Reschid-Pacha était venu s’inspirer dans les salons libéraux de Londres et de Paris ne pouvaient pas lui concilier la faveur de Nicolas.

On dit que le nouveau cabinet turc s’en remet à la conférence de Londres pour l’arrangement définitif de la question égyptienne. On conçoit, sans l’approuver, cette abdication du ministère ottoman. La décision était embarrassante pour lui. Maintenir les restrictions à Méhémet-Ali et le provoquer ainsi à la résistance, c’était contrarier les vues des puissances, en particulier de l’Autriche et de la Prusse, qui désirent, avant tout, pouvoir considérer le traité du 15 juillet comme un fait accompli, comme un acte consommé. Révoquer directement ces restrictions, c’était donner prise sur lui au parti anti-égyptien, au parti qui se prétend seul énergique et national. En tout pays, c’est un mauvais début pour une administration qu’un acte de