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LE
CARDINAL XIMENÈS.

Il y a un moment, dans la vie de tous les peuples, où, leur premier travail de formation terminé, ils passent par une crise qui fixe leur constitution et décide de leurs destinées. Dans la confusion des origines, les élémens de toute société naissent à la fois, mais sans ordre, et participent de la vitalité ardente qui pousse la nation elle-même à se produire ; plus tard, quand la nationalité en travail a forcé les obstacles qui s’opposent à tout enfantement, ces élémens, jusqu’alors mêlés dans une impulsion unique, tendent à se séparer, à se classer, à s’organiser enfin. Une lutte intérieure s’établit, et de la victoire des uns, de l’abaissement des autres, de la combinaison de tous, se forme une société définitive qui a désormais son caractère propre et sa marche distincte.

Ce moment solennel est plus ou moins apparent dans l’histoire des diverses nations de l’Europe moderne ; mais chez aucune il n’a été aussi nettement marqué qu’en Espagne où il coïncide avec la fin du quinzième siècle et le commencement du seizième. À cette époque, l’Espagne venait de finir l’œuvre exclusive qui avait absorbé toutes ses forces durant huit siècles : les Maures étaient vaincus dans leur dernière ville. Une nouvelle ère commença dès-lors pour la Pénin-