Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 26.djvu/597

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
593
DU GOURVERNEMENT REPRÉSENTATIF.

cela, j’en conviens, il ne faut pas partir de cette supposition que tout est parfait dans notre code politique aussi bien que dans notre code administratif, même quand ils se contredisent et se paralysent l’un l’autre. J’ai, pour ma part, beaucoup d’admiration pour le système administratif si fortement lié, si vigoureusement organisé que la France doit à l’empire ; j’ai beaucoup de foi dans le système représentatif tel que l’ont fait les vingt-cinq et surtout les dix dernières années ; mais je crois qu’on n’a pas encore assez étudié ces deux systèmes dans leurs rapports et dans leur enchaînement. Pris à part, chacun d’eux pourrait être excellent, tandis que pris ensemble tous deux seraient imparfaits : il y aurait alors dans l’un ou dans l’autre, peut-être même dans l’un et dans l’autre, quelques modifications à introduire pour qu’ils ne se détruisissent pas mutuellement.

Si j’ai justement apprécié les causes principales par lesquelles le gouvernement représentatif est entravé et faussé, il est clair que ces causes gisent au cœur de notre société, et que les lois spéciales qui constituent les deux chambres y sont pour peu de chose. On se trompe donc étrangement quand on croit qu’en réformant ces lois, on affranchira subitement le gouvernement représentatif de tous les liens qui le garrottent. Je suis pourtant loin de dire que les lois dont il s’agit soient parfaites, et que tel ou tel changement partiel, habilement conçu et prudemment exécuté, ne puisse produire sur l’ensemble de nos institutions un excellent effet. Mais c’est ici que j’éprouve le regret de me trouver en dissentiment complet avec M. de Carné. À mon sens, il se méprend sur la nature du mal, et les réformes qu’il propose ou qu’il indique aggraveraient la situation au lieu de l’améliorer. Je vais en très peu de mots tâcher de le prouver.

Des trois pouvoirs qui constituent en France le pouvoir législatif, il en est un, la chambre des pairs, dont la condition actuelle paraît à M. de Carné aussi fausse que fâcheuse. En droit, la chambre des pairs a certainement les mêmes prérogatives que la chambre des députés. En fait, selon M. de Carné, ces prérogatives lui échappent. Quel est le ministère, que, depuis dix ans, la chambre des pairs ait formé ou renversé ? Quelle est la grande question politique qu’elle ait résolue contrairement à l’opinion de la chambre des députés ? On lui permet bien de rejeter la loi du divorce, ou la loi de conversion des rentes ; on ne lui permet pas de participer au gouvernement, ainsi qu’elle y est appelée par la constitution. M. de Carné déplore tout cela, et en conclut que l’organisation de la chambre des pairs est