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REVUE. — CHRONIQUE.

en faire l’aveu. On sentit dans la parole si vive, si pressante de l’orateur, l’homme d’état qui a profondément médité sur les institutions militaires de son pays.

Nous sommes peu touchés des projets de je ne sais quelle transformation qu’on paraît méditer. Certes nul ne place plus haut que nous l’autorité de M. le maréchal Soult en pareille matière ; mais nous sommes trop sincères pour ne pas avouer hautement que cette transformation ne nous a paru jusqu’ici qu’un moyen, fort ingénieux sans doute, d’obtenir des résultats analogues, tout en faisant quelque chose de différent, un moyen de ne pas perdre les bénéfices du 1er  mars, tout en donnant une vaine satisfaction à ses ennemis, à ces hommes qui lui font sans doute l’honneur de le croire bien vivant, car ce serait un goût trop ignoble que de s’acharner ainsi sur un mort. Nous craignons que ces changemens et ces transformations n’ajoutent à la fin quelques millions de plus à ces dépenses qui font aujourd’hui jeter de si hauts cris. Mais il serait téméraire à nous de préjuger des mesures que nous ne connaissons pas, et sur lesquelles, en tout cas, notre avis devrait s’éclairer au préalable de l’opinion des juges compétens.

Le ministère anglais s’est montré à l’intérieur, dans son intérêt personnel, ce qu’il a été, dans les questions extérieures, à l’égard de ses alliés : imprudent, téméraire, sacrifiant sans scrupule l’avenir à l’intérêt ou à la passion du moment. Nous ne faisons pas de vœux pour un ministère tory. Un ministère whig, un ministère libéral, modéré, progressif, aurait eu droit à toutes nos sympathies ; mais, quand une administration est dirigée par des esprits aussi peu mesurés que celui de lord Palmerston et par des caractères aussi faibles que celui de lord Melbourne, que nous importe en vérité la couleur générale du cabinet ?

Quoi qu’il en soit, c’est un singulier spectacle qu’un cabinet whig se faisant révolutionnaire pour vivre, ou du moins pour préparer à ses adversaires des jours difficiles, une vie agitée.

Expliquons-nous. Les mesures que le ministère a proposées sont justes et bonnes au fond. Elles sont de plus pour l’Angleterre une nécessité à laquelle elle ne pourra pas plus se soustraire qu’elle n’a pu éviter l’émancipation des catholiques.

Saturée de capitaux et de produits, l’Angleterre est arrivée la première au point auquel arriveront fatalement toutes les nations qui s’obstinent dans le système prohibitif. Quand les eaux que vous avez fait monter artificiellement menacent de couvrir votre tête et de vous étouffer, il faut bien lâcher les écluses. Le système prohibitif est condamné au suicide. Plus il triomphe, plus il s’exagère, et plus le jour de sa mort approche. Ce jour est venu pour le système anglais.

Quant aux céréales, qui a jamais pu imaginer que les consommateurs anglais se résigneraient à payer éternellement un impôt énorme, scandaleux, à leurs propriétaires fonciers ? car c’est là le résultat de la loi sur les céréales. C’est un grand malheur pour une aristocratie que d’avoir placé sur une base