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REVUE. — CHRONIQUE.

ne demanderions pas mieux que de pouvoir saluer le retour de ces populations à la vie civile, de les voir entrer dans le giron de la civilisation européenne. D’ailleurs, qui pourrait consolider l’empire turc ? L’Europe seule le pourrait, pour long-temps du moins, l’Europe unie, sincère, unanime à l’égard de l’Orient, l’Europe, si elle était ce qu’elle n’est pas, ce qu’elle ne peut être. C’est dire que la consolidation de l’empire ottoman n’est en réalité qu’un rêve.

Cependant, quels que soient nos vœux pour l’affranchissement des peuples courbés sous le sabre des Turcs, nous ne pouvons pas ne pas suivre d’un œil très attentif tous ces mouvemens insurrectionnels. La pensée politique qu’on ne découvre pas aujourd’hui peut apparaître demain et leur donner une vie, une forme, une tendance inattendues. Si nous sommes bien informés, des agens européens n’ont pas été étrangers, par leurs conseils et leurs instigations, à ces mouvemens, surtout dans l’île de Candie. L’abaissement de Méhémet-Ali, il faut bien l’avouer, a donné à l’influence anglaise une grande prépondérance en Orient, et les agens subalternes de lord Palmerston et de lord Ponsonby ne doivent certes pas être des hommes remarquables par leur modération et leur retenue. L’Autriche, la Prusse, la France, sont les seules grandes puissances dont le désintéressement puisse être tenu pour sincère dans les affaires d’Orient. Mais le désintéressement n’est pas l’abandon ; il ne serait qu’une niaiserie politique, s’il n’était pas accompagné d’une grande vigilance et de la résolution bien arrêtée de s’opposer à tout agrandissement de l’une ou de l’autre des grandes puissances européennes.

Au milieu de ces agitations et de ces incertitudes, la position du gouvernement grec devient délicate et difficile. Trop faible pour exercer une influence directe sur des affaires qui cependant le touchent de très près, il est exposé à mille intrigues, à mille séductions, à des piéges sans nombre. Il n’a pour lui que le temps, la prudence et l’intérêt que lui portent tout naturellement celles des puissances qui ne voient dans la chute, plus ou moins prochaine, de l’empire ottoman, d’autre moyen de sauver la paix de l’Europe, que la prompte organisation de nationalités nouvelles, d’états nouveaux sérieusement indépendans.

Le prince Mavrocordato va, dit-on, prendre les rênes de l’administration grecque ; il est nommé ministre des affaires étrangères, président du conseil. C’est un homme d’esprit, instruit, connaissant fort bien les choses et les hommes de l’Europe, et par là les difficultés de sa mission. Il passe pour être fort attaché à l’Angleterre, où il a long-temps résidé. Nous n’avons pas à nous occuper de ses penchans d’homme privé. Nous sommes convaincus que, comme ministre, il ne sera que Grec. Le salut et l’avenir de la Grèce sont à ce prix.

La chambre des députés doit bientôt s’occuper de la loi relative à notre traité avec la Hollande. Nous désirons vivement que la loi soit adoptée. Nous ne voulons pas affirmer que le traité ait été fait et rédigé avec tout le soin désirable. Loin de là. Il y aurait beaucoup de choses à reprendre, beaucoup d’améliorations à y faire, si une convention diplomatique pouvait être révisée