part toutes les faveurs et bons offices dont il se montrera digne quand vous le connaîtrez.
« J’ai l’honneur, etc. »
Qu’on se représente l’ardeur enthousiaste de ces braves gentilshommes français qui venaient en foule demander au docteur Franklin la permission de se battre pour l’indépendance des États-Unis. Le vieux docteur reçoit toutes ces offres de service avec une certaine bonhomie railleuse qui contraste singulièrement avec la chevalerie qu’on lui témoigne, et il ne lui arrive pas une seule fois de manifester une sincère gratitude pour cette vive et généreuse étourderie de la France. Tout ce qu’il dit de mieux et de plus fort là-dessus, c’est que la nation française est, après tout, un aimable peuple, avec lequel il est bon de vivre, « qui se fait faire des chapeaux pour les porter sous le bras, qui se fait coiffer de ne pouvoir mettre de chapeau, et qui, tout frivole qu’on puisse le juger, est, en somme, poli et gracieux. » Il avait assurément ses raisons pour se trouver bien chez ceux qui le traitaient comme un dieu, et qui entouraient sa vieillesse de toutes les flatteries et de toutes les voluptés. Son vieux sang teutonique ne coulait point à l’unisson de la civilisation française, et c’était encore l’homme qui plusieurs années auparavant n’avait rien oublié pour arracher aux Français leurs possessions du Canada ; œuvre à laquelle ses conseils avaient contribué, comme on le sait. Vous reconnaissez toujours le vieux puritain, le fils des ennemis jurés du catholicisme français et de Louis XIV. La France le prit à gré au moment précis où elle se détachait à la fois de sa vieille foi religieuse et de son vieux principe de gouvernement. Franklin, qui se souvenait fort bien d’avoir entendu dans sa première jeunesse le prédicateur Increase Mather annoncer aux puritains d’Amérique la mort de ce vieux méchant persécuteur du peuple de Dieu, Louis XIV, se trouvait d’avance en harmonie avec la philosophie moderne de la France ; cette coïncidence constitua sa force.
Le vieux Franklin jouait dans tout ceci le rôle d’un séducteur qui reste calme, et qui se moque doucement de la personne séduite et de l’engouement qu’il fait naître. Il raille fort ce célèbre gentilhomme et ce philosophique papillon de 1789, M. Félix de Nogaret, la providence de tous les almanachs pendant cinquante années, et qui est mort sans gloire sur les roses factices qu’il avait effeuillées pendant sa vie littéraire. Ce M. de Nogaret, attentif à la circonstance, comme tous les petits génies, avait saisi celle que lui présentait l’arrivée de Franklin. Il avait essayé la traduction du vers célèbre :