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sont ménagées. Je descendis le Samour jusqu’à Akhti et vins demander l’hospitalité au colonel Karganoff, qui commande ce district. Les Russes ont élevé depuis un an une forteresse à Akhti ; elle est située au confluent de l’Akhtisou avec le Samour, et domine la vallée qui borde cette rivière. Cette forteresse doit quelque importance à sa situation au centre des montagnes. Ce n’est qu’à la suite de l’expédition faite il y a deux ans par le général Golavine que les Russes ont pu créer cet établissement militaire.

La ville d’Akhti est construite presque au pied du Schah-Dagh, couvert de neiges perpétuelles à une hauteur de près de deux mille pieds. On m’assura que le sommet de la montagne recèle des glaciers immenses. Akhti commande les défilés qui conduisent à Routoul et à Yelissou, ainsi que ceux qui communiquent d’un côté à Derbent, de l’autre à Noukha. De nombreux jardins et des champs en culture entourent la ville, qui se compose de quatre cents maisons. La forteresse, n’ayant qu’une simple muraille avec des fossés, suffit pour résister aux montagnards, qui n’ont pas d’artillerie ; car autrement, dominée comme elle l’est par les montagnes environnantes, il serait impossible de la défendre.

Le colonel Karganoff m’exprima sur l’administration civile les mêmes idées que le général Andrep. J’appris par lui que le baron de Hahn avait renoncé à introduire les tribunaux civils dans le district d’Akhti ; les montagnards, nouvellement incorporés à la Russie, n’auraient pas su apprécier la faveur qu’on voulait leur faire en les soumettant aux lentes formalités de la justice russe.

La milice est organisée à Akhti ; les hommes qui composent cette troupe me parurent dévoués au colonel, qui use à leur égard d’une excessive sévérité. Les montagnards de mon escorte m’amusèrent par leurs questions sur la politique générale de l’Europe ; ils voulurent établir une comparaison entre les forces de la France et celles de la Russie. Je me bornai à leur rappeler l’entrée d’une armée française à Moscou. Les montagnards ont retenu le nom de Napoléon ; ils conservent pour lui presque de la vénération, à cause des succès qu’il obtint sur les Russes. Malgré leur soumission au gouvernement, tous convinrent que la division qui régnait entre les différentes tribus était l’unique cause de leur ruine. Je leur citai les Tcherkesses, qui, restant unis contre leur ennemi commun, ont su maintenir leur indépendance. — Chamyl, me dirent-ils, nous a envoyé des émissaires pour nous engager à nous soulever ; mais le moment n’était pas favorable, nous aurions été écrasés. — Le général Andrep m’avait déjà