Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 26.djvu/776

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
772
REVUE DES DEUX MONDES.

blesses les entreprises les plus justes, commencées avec une fermeté apparente. Les chambres des comptes, malgré des droits puissans et plusieurs tentatives honorables, n’eurent donc pas une influence sérieuse sur le gouvernement financier de l’ancienne France. Quant à leur surveillance sur les comptables, elle était ordinairement illusoire. Protégée par les grands, qui avaient une part dans le produit de toutes les rapines, et par le désordre d’une administration où toutes les règles de comptabilité furent long-temps inconnues, la fraude restait presque toujours cachée ou impunie. De grands coupables furent frappés ; mais le pouvoir judiciaire des chambres des comptes n’entrait pour rien dans ces mesures exceptionnelles que dictaient la haine, la vengeance ou la raison d’état.

Divers motifs s’opposaient donc à l’exercice de ce contrôle supérieur que les lois avaient attribué aux anciennes chambres des comptes. Instituées d’abord pour éclairer le pouvoir royal, conservées ensuite pour obéir et non pour résister, elles étaient armées d’une grande autorité que tout rendait inutile entre leurs mains. Après 89 et sous l’empire, des circonstances très différentes produisirent à peu près le même résultat. La loi du 29 septembre 1791 remplaça les chambres des comptes par un bureau de comptabilité qui ressortissait à l’assemblée nationale. Cinq commissaires de la comptabilité nationale furent ensuite appelés à remplacer ce bureau ; une commission de comptabilité leur succéda ; enfin la cour des comptes, telle que la France la possède aujourd’hui, fut instituée par la loi du 16 septembre 1807. La commission établie par la république était chargée de contrôler le maniement des fonds de l’état et de dénoncer les abus aux corps politiques ; mais la législature, méconnaissant le principe de la séparation des pouvoirs, se réserva le droit d’arrêter les comptes rendus à la commission. Cette usurpation eut des suites fâcheuses. La commission de comptabilité, espèce de bureau d’examen, sans action supérieure, sans autorité directe, n’ayant d’ailleurs aucune relation régulière avec l’administration des finances, privée par conséquent d’influence et de lumières, se vit réduite à un rôle sans utilité et sans grandeur. La cour des comptes, fondée par l’empire, eut de grands priviléges et des attributions étendues. Elle prit rang immédiatement après la cour de cassation, et eut les mêmes prérogatives. Ses arrêts furent souverains et par conséquent définitifs. Ils ne purent être attaqués que pour violation des formes ou de la loi. Elle eut à juger les comptes de tous les comptables de deniers publics, les comptes des recettes et dépenses des départemens, des communes