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idées se laissaient ensevelir avec la dépouille mortelle de celui qui pendant un instant leur a servi d’interprète ! Au reste, l’empereur suivit de près l’hérésiarque. Constantin mourut l’année suivante, sans avoir jamais rien compris au fond même de la religion qu’il avait couronnée.

Gibbon a raconté en maître le règne de Constance, ses longues incertitudes entre les ariens et les catholiques, sa préférence finale pour les opinions et les partisans d’Arius, les excès des deux partis, les exils successifs d’Athanase. Julien, qui succéda à Constance, rappela tous les bannis, apportant au milieu de ces débats une tolérance facile, car son dédain était égal pour les catholiques et pour les ariens. D’ailleurs il pouvait espérer que la religion chrétienne, qu’il n’aimait pas, trouverait dans ses divisions des causes de discrédit et de faiblesse. Cependant l’influence qu’Athanase exerçait à Alexandrie était si grande, qu’elle effraya l’empereur, qui lui ordonna de quitter la ville. Ce nouvel exil ne dura pas plus que le règne si court de Julien. Enfin le terme des tribulations d’Athanase approchait : Jovien le réintégra dans son siége, et le successeur de Jovien, Valens, bien qu’il penchât pour les ariens, fut obligé de le respecter, dans la crainte de provoquer lui-même à Alexandrie des troubles où le pouvoir impérial eût été méconnu. Après quarante-six ans d’épiscopat, après une vie qui ne fut qu’une longue polémique, Athanase s’éteignit doucement. L’arianisme ne fut pas le seul objet des discussions que soutint l’illustre évêque, qui portait l’effort de sa dialectique partout où il croyait voir l’orthodoxie compromise. Ainsi Athanase écrivit contre les sabelliens ; il réfuta les apollinaristes, qui, pour mieux combattre les ariens, avaient imaginé de refuser à Jésus-Christ une ame humaine pendant qu’il était sur la terre et ne lui accordaient qu’une ame sensitive. Mœhler expose en détail cette réfutation, qu’Athanase composa un an avant de mourir. Le livre du professeur allemand est une analyse savante et complète de tous les écrits d’Athanase ; voilà son caractère et sa valeur. Il ne faut pas y chercher l’histoire politique de l’époque, l’appréciation des évènemens et des hommes qui, pendant le IVe siècle, se sont produits sur la scène du monde. L’ouvrage de Mœhler est une sorte de procès-verbal métaphysique, qui, dans le mouvement actuel des études religieuses, s’adresse non-seulement aux théologiens, mais aux penseurs.

Voilà dix-huit cents ans que le christianisme existe, et l’on peut dire qu’il a toujours eu à lutter contre l’arianisme. Nous entendons