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REVUE DES DEUX MONDES.

Au vain rugissement de l’Ourse ou du Lion,
Quand vit-on reculer le sanglant Sagittaire,
Ou fuir les deux Gémeaux s’inclinant jusqu’à terre,
Dans la cité du Scorpion ?



L’humanité n’est pas la feuille vagabonde,
Sans pays, sans racine, enfant de l’aquilon.
C’est le fleuve enfermé dans le lit qu’il féconde,
Parent, époux des cieux mêlés à son limon.
Au peuple ne dis pas : « Abandonne ta rive. »
Quand l’herbe boit le flot promis à l’Océan,
C’est qu’aux sommets sacrés d’où l’avenir dérive,
La source de l’idée a tari toute vive
Dans l’esprit glacé du géant.



Du chœur des nations la lutte est l’harmonie ;
Dans mille chants rivaux, d’où naissent leurs concerts,
Chaque peuple a sa voix, sa note, son génie.
Tout, dans l’immense accord paraît un et divers.
L’un parle-t-il trop bas par la voix du prophète,
À l’hymne de la peur enchaîne-t-il ses jours,
La danse des cités, en chancelant, s’arrête.
De leurs fronts de granit, ridés par la tempête,
Tombe une couronne de tours.



Sur la lyre accordée aux prières des femmes,
Pourquoi de tant d’encens nourrir notre sommeil ?
De trop de voluptés ne chargeons pas nos ames.
Après le songe heureux es-tu sûr du réveil ?
Que sais-tu si l’aspic ne dort pas sous la rose,
Si la lutte est finie entre l’homme et le Dieu ?
Convive du banquet que plus d’un pleur arrose,