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LE RHIN.

Sur le mur prophétique où cette main se pose,
Ne vois-tu pas des traits de feu ?



Pour désarmer nos cœurs, apprivoise le monde.
D’avance à l’avenir as-tu versé la paix ?
Et du Nord hérissé le sanglier qui gronde,
De ta muse de miel a-t-il léché les traits ?
Au soc de la charrue a-t-il courbé le glaive ?
Albion, sur sa nef, détruit-il son rempart ?
Parmi les flots d’airain que l’Orient soulève,
Orphée a-t-il enfin marié sur la grève
L’aigle blanc et le léopard ?



Le Rhin sous ta nacelle endort-il son murmure ?
Que le Franc puisse y boire en face du Germain.
L’haleine du glacier rouillant leur double armure,
Deux races aussitôt se donneront la main.
Nous ne demandons pas tout l’or de la montagne.
Du Nil de l’Occident nous ne voulons qu’un bord,
Pour que les cieux de France et les cieux d’Allemagne,
Sous les eaux partageant l’astre de Charlemagne,
Roulent ensemble au même port.



Aux troupeaux divisons la source de nos pères.
Quand ils ont sur la rive assis la liberté,
Craignaient-ils d’éveiller les gothiques vipères ?
Goûtons l’eau du torrent par droit de parenté.
Avec les rois germains tout nous réconcilie.
Dans leur nid féodal nos aigles sont éclos.
Sans qu’au bruit de leurs pas notre écho s’humilie,
Consentons que leur ombre à notre ombre s’allie
Dans le sein pavoisé des flots.