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jesté de leurs formes. Leur peau, d’une blancheur mate, fait ressortir la teinte foncée de leurs cheveux et de leurs sourcils ; leur regard lascif inspire une volupté plus voisine de la corruption que d’un sentiment pur. Dans toutes les villes de la Géorgie, les mœurs sont si relâchées, qu’aujourd’hui il est peu de jeunes filles qui ne se vendent plus ou moins cher suivant leur beauté ou leur rang. Une fois mariées, les Géorgiennes ne sortent plus ; elles se consacrent aux soins de leur ménage, élèvent leurs enfans, et perdent en les nourrissant tous leurs attraits. L’usage fréquent des bains sulfureux, en détendant les fibres de leur peau déjà molle, détermine chez elles un embonpoint excessif que leur indolence augmente encore ; car les Géorgiennes ne savent se livrer à aucun travail, elles dirigent seulement les esclaves qui les servent. La coiffure des Géorgiennes est gracieuse ; elle consiste en un petit diadème posé sur le milieu du front ; au-dessus est jeté un voile de mousseline blanche qui retombe sur leurs épaules et sur leurs cheveux, divisés en un nombre infini de nattes ; une tunique serre leur taille et laisse leur gorge découverte.

La société de Tiflis ne se compose que de généraux ou d’employés du gouvernement. Les familles géorgiennes, en très petit nombre, n’admettent pas les étrangers dans leur sein ; elles donnent seulement, à d’assez longs intervalles, quelques grandes réunions que le général en chef est prié de présider. J’assistai à un de ces dîners monotones et sérieux, comme tous ceux où les Géorgiens se trouvent en présence des Russes, qui croient faire honneur aux habitans en venant s’asseoir à leur table. Le caractère des deux peuples est si distinct, il y a entre eux si peu de liens d’affection, que je ne comprends pas qu’ils cherchent des occasions de rapprochement. Les Géorgiennes des premières familles parlent le français plutôt que le russe, mais elles n’ont ni instruction ni conversation ; je puis, sans trop de sévérité, dire que les femmes russes que j’ai vues à Tiflis méritent toutes les mêmes reproches. Heureusement je pouvais, en causant avec quelques officiers, recueillir des détails curieux et intéressans sur l’administration et la marche générale des affaires. Je n’eus donc point à regretter une conversation avec des femmes qui se croient grandes dames sans justifier cette prétention ni par l’éducation ni par les manières.

On me raconta, pendant mon séjour à Tiflis, un fait qui donne la mesure de la tolérance religieuse des autorités. Une pauvre femme de la religion grecque fit appeler, dans ses derniers momens, un