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LES PROVINCES DU CAUCASE.

prêtre catholique, abjura entre ses mains la religion qu’elle avait professée plutôt par habitude que par conviction, et mourut catholique. Malgré le profond mystère dont cette abjuration avait été entourée, le gouvernement finit par en avoir connaissance ; on déclara au prêtre que, si jamais il se trouvait mêlé à quelque nouvelle conversion, on l’enverrait en Sibérie. Le gouvernement russe tend à l’unité de religion, il veut réunir dans une seule main tout le pouvoir temporel et spirituel ; tout homme qui ose arrêter sa marche est un ennemi qu’il faut anéantir.

J’obtins du général en chef un ordre qui me dispensait de la quarantaine établie à Ekaterinograd. Cette quarantaine est de quatorze jours pour toutes les provenances de la Géorgie, et n’est supportée que par ceux qui ne peuvent obtenir des autorités la liberté de passage. Je n’eus, pendant mon séjour à Tiflis, qu’à me louer des autorités ; je trouvai les généraux beaucoup plus libres et plus confians que je ne pouvais l’espérer. En exprimant mon opinion sur l’état d’un pays peu connu, je me plais à rendre hommage à des hommes éclairés, qui comprennent qu’on peut signaler des abus déplorables sans être inspiré par un sentiment d’hostilité contre eux ou contre leur gouvernement.

Cinq ans avant ce voyage, je n’avais pas trouvé pour visiter la Géorgie les mêmes facilités. J’avais adressé de Perse, au baron Rosen, des lettres de recommandation que j’avais pour lui ; je lui exposais mon désir de me rendre en Géorgie par les bords de la Caspienne, et je le priais de favoriser ce projet. Je comptais m’embarquer de Resch, capitale du Guilan, pour me rendre à Lenkoran, et ensuite à Salian et Bakou. Le général me fit répondre que j’aurais à subir, à Lenkoran, une observation de quarante jours, et Lenkoran se trouvant en dehors des lignes de quarantaine, une nouvelle observation de quarante jours à Salian. Il termina en m’engageant à suivre la route directe pour me rendre à Tiflis, ce que je fus forcé de faire, ne voulant pas me soumettre à quatre-vingts jours d’observation dans des lieux malsains et fiévreux.

Le baron Rosen était jaloux de tous les étrangers ; le général Golavine paraît au contraire ambitionner leur bienveillance ; il leur accorde sa protection et toutes les facilités qu’ils peuvent désirer : je serais heureux que l’expression de ma reconnaissance pût arriver jusqu’à lui et à son chef d’état-major.

J’avais espéré, avant mon départ de Tiflis, recueillir quelques ren-