Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 26.djvu/98

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
94
REVUE DES DEUX MONDES.

seignemens positifs sur le tremblement de terre accompagné d’éruption de lave qui, après avoir ravagé les environs du mont Ararat, s’est fait ressentir à Érivan et à Nakhitchevan. Je ne pus obtenir sur cet évènement que des rapports très incomplets, la relation qui devait en être faite n’ayant pas encore été transmise au général Golavine. Un village arménien de trois cents maisons avait été enseveli pendant la nuit sous des courans de lave et des torrens d’eau accompagnés de plusieurs secousses. Maisons et habitans, tout fut entraîné, le village entier fut détruit, et il ne resta d’autre trace de son emplacement qu’un espace sillonné par les laves. Le général Golavine m’assura qu’aussitôt que le rapport officiel lui serait parvenu, il s’empresserait de le publier pour attirer l’attention du monde savant sur un fait aussi curieux. C’est la première fois en effet que le sol de l’Arménie, tourmenté par les tremblemens de terre, est ravagé par une éruption de lave. On retrouve pourtant sur un des sommets de l’Ararat des traces d’un volcan éteint. Les habitans vont en ce lieu chercher du soufre pour leurs besoins.

Je m’éloignai de Tiflis par la route militaire qui réunit la Géorgie aux autres provinces russes. Quinze jours auparavant, les communications avaient été interrompues sur cette route par un débordement du Terek qui interceptait tout passage. Un courrier russe, chargé de dépêches pour le général en chef, avait seul trouvé moyen de franchir cet obstacle en faisant jeter d’une rive à l’autre un câble auquel on suspendit une corbeille assez forte pour le porter. En se glissant le long du câble, il parvint à traverser un torrent impétueux qui mit plus d’une fois sa vie en danger.

À peine avais-je laissé derrière moi les barrières de Tiflis que j’entrai dans un pays aride. Parfois je me rapprochais des bords du Kour, embellis par des jardins et les kiosques de quelques riches Géorgiens. Je passai le Kour sur un pont en bois, en face de Mescket. La forteresse et l’église de ce village ont été élevées par les souverains de la Géorgie ; les murs crénelés sont assez forts pour offrir une résistance en cas d’attaque des montagnards.

Ce n’est qu’à une distance de cinquante verstes de Tiflis que l’on retrouve des bois ; les Russes ont détruit toutes les forêts qui avoisinaient la capitale de la Géorgie. Chaque année la destruction continue, et les montagnes qui environnent la petite ville de Douschet commencent à se dégarnir. Après avoir dépassé Douschet, je dus descendre presque aussitôt dans la vallée de Khev, au fond de laquelle