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GALILÉE.

comme théologien et comme homme d’état, le rendait très influent à Venise, et il usa de son crédit pour protéger Galilée contre les attaque dont celui-ci était l’objet ; et pourtant, malgré tant de motifs qui devaient le retenir à Padoue, Galilée commit la faute irréparable de retourner en Toscane : une telle faute a été la source de tous ses malheurs. Les causes qui le portèrent à cette fatale détermination ne sont pas bien connues ; mais on pourrait croire que, fatigué par un enseignement qui lui prenait une partie notable de son temps, il désira s’en affranchir, et que, ne pouvant y parvenir à Padoue, il chercha à s’entendre avec le grand-duc. On ne sait pas bien de quel côté vinrent les premières propositions ; déjà Galilée avait profité, à plusieurs reprises, des vacances pour aller passer quelques mois en Toscane. Dans ces voyages, il avait été reçu à la cour, et avait même donné des leçons aux fils du grand-duc. Ces rapides excursions durent réveiller en lui l’amour du pays natal, qui devient toujours de plus en plus vif chez les hommes obligés de vivre long-temps parmi des étrangers. D’ailleurs les Médicis éprouvaient le désir de rappeler à Florence un homme si célèbre : après l’avoir délaissé lorsque leur appui lui aurait été utile, ils voulurent partager sa gloire et son éclat quand il n’avait plus besoin de protection. Cependant ils ne se laissèrent pas entraîner trop loin, car, après d’assez longs pourparlers, Galilée, qui venait de faire de si étonnantes découvertes, et qui en avait préparé beaucoup d’autres, fut nommé, le 10 juillet 1610, premier mathématicien et philosophe du grand-duc de Toscane, avec un traitement inférieur à celui qu’il avait à Padoue et aux émolumens dont jouissaient quelques-uns des professeurs de l’université de Pise.

Cette résolution de Galilée indisposa vivement les Vénitiens. Sagredo voyageait alors dans le Levant ; à son retour, il écrivit au grand astronome une lettre où, en témoignant le chagrin que lui avait causé son départ, il exprimait des craintes qui ne tardèrent pas à se réaliser. Avec cette prévoyance et cette mesure qui ont toujours caractérisé l’aristocratie vénitienne, Sagredo fit sentir à son ami l’imprudence qu’il avait commise en quittant un pays libre où les chefs du gouvernement avaient pour lui la plus grande déférence, pour aller se mettre à la merci d’un prince jeune et inconstant, dans un pays où les jésuites exerçaient un si grand pouvoir. Sarpi, profond politique, alla plus loin encore, et, ayant appris peu de temps après que Galilée voulait se rendre à Rome pour convaincre ses adversaires, il pressentit que la question du mouvement de la terre deviendrait