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Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 27.djvu/137

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GALILÉE.

mènes les plus communs des conséquences singulières et inattendues. Affirmant que le plus beau de tous les livres était la nature, et qu’en l’observant on était sûr de découvrir la vérité, Galilée ne négligeait rien de ce qui lui tombait sous les yeux. Un morceau de bois abandonné dans un coin de l’arsenal de Venise, une grappe de raisin que le soleil faisait mûrir dans un champ, une lampe que le vent faisait osciller, un instrument à l’aide duquel un jeune homme glissait le long d’une corde, lui fournissaient également matière à d’utiles et profondes méditations. On doit lui savoir gré d’avoir conservé, dans ses écrits, le souvenir de ses premières observations, d’avoir montré par quel hasard il y avait d’abord été conduit, car non-seulement ces excursions philosophiques intéressent au plus haut degré et reposent l’esprit par la facilité, l’abandon même qui semble présider aux plus grandes découvertes, mais on peut y puiser les plus utiles exemples de la méthode des inventeurs et du grand art d’observer. Il est vrai qu’à part la perfection du style, les ouvrages de Galilée, lorsqu’on ne les lit pas avec une attention particulière, semblent d’abord ne rien offrir d’extraordinaire, tant ils paraissent simples et clairs ; mais c’est en cela surtout que ces écrits sont admirables, car, composés à une époque où l’on admettait les causes occultes, où l’on raisonnait toujours à priori, ils se distinguent par une logique si simple et par une si juste application des principes du sens commun à la philosophie naturelle, qu’on les croirait sortis de la plume de quelque illustre savant des temps modernes plutôt que de celle d’un homme entouré de ténèbres et obligé de lutter sans cesse contre des erreurs victorieuses. Ce n’est qu’en se reportant à l’époque où il vécut, et en comparant ses écrits avec ceux de ses adversaires, que l’on peut comprendre combien cette simplicité qui les distingue était difficile alors, combien ces vérités, si répandues aujourd’hui, étaient alors cachées et sublimes. D’ailleurs, plusieurs des observations qu’il a consignées dans ses écrits, et qui ont passé presque inaperçues, ont servi plus tard, entre les mains d’autres savans, de base à d’importantes théories.

Bien que Galilée considérât surtout les mathématiques comme un instrument propre à mesurer les phénomènes naturels et à rechercher les causes qui les produisent, cependant, même comme géomètre, il s’est placé à la tête de ses contemporains. Il n’aurait fait que déterminer la trajectoire décrite par un corps qui ne suit pas la verticale en tombant, que cette découverte eût suffi pour lui assurer l’immortalité. Mais Galilée avait aussi imaginé le calcul des indivi-