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et une généreuse confiance dans l’avenir, vint s’élever un doute sur la légitimité du droit de succession, doute aggravé par la lutte des principes politiques. Les démarches incohérentes d’un prince placé à deux mille lieues du Portugal affaiblirent encore une autorité naturellement précaire, et contribuèrent à miner le pouvoir fragile confié à une jeune princesse pour être remis à une enfant. Au milieu de mouvemens si divers et de cette confusion infinie, on ne distingue clairement qu’une chose, c’est la douloureuse nécessité d’une crise prochaine. Peu importe que quelques hommes de cœur combattent avec hardiesse et désintéressement, ou que des intrigans s’empressent de profiter du peu d’instans que leur laisse la fortune ; le résultat est inévitable. Le parti constitutionnel ne s’appuie ni sur le peuple, ni sur les princes ; la nation est indifférente ; don Pedro est au Brésil, et dona Maria dans l’enfance ; la reine Charlotte, au contraire, est active et pleine de vie, et l’infant don Miguel est à Vienne, n’attendant que son signal. Quelle que puisse être la variété des évènemens, quel que soit l’oubli dans lequel semblent plongés les principaux acteurs de ce triste intermède, il ne faut jamais perdre de vue ces deux funestes personnages. La reine et l’infant planaient sur les destinées du Portugal comme deux sombres nuages ; ils tendaient toujours à se joindre, et à leur contact devait éclater une explosion qui ferait tomber sur ce malheureux pays tous les maux qui lui restaient à connaître.

Le 6 mars 1826, le faible roi, dont la perte se fit cruellement sentir, voyant sa fin approcher, nomma régente du royaume sa fille chérie l’infante Isabelle Marie. Quatre personnages importans, le duc de Cadaval, le patriarche de Lisbonne, le marquis de Vallada et le comte dos Arcos, composaient le conseil de cette régence, qui devait gouverner jusqu’à ce que l’héritier légitime du trône (ce sont les termes du décret) eût décidé ce qu’il importait de faire pour le bien du royaume. Cette expression d’héritier légitime, que les troubles subséquens ont rendue fort peu explicite, semblait alors parfaitement claire ; l’héritier légitime était le fils aîné du roi. L’élévation de l’empereur don Pedro au trône avait de plus cet avantage, de rendre au Portugal une colonie dont chaque jour il déplorait la perte. Aussi la régente et son conseil envoyèrent-ils, immédiatement après la mort du roi, à Rio-Janeiro, prendre les ordres de don Pedro. Comme on ignorait les intentions du prince, on hésita un moment à le proclamer roi ; mais, quinze jours après, l’acclamation eut lieu dans les formes ordinaires, et l’empereur du Brésil fut reconnu, sans opposition, roi de Portugal, sous le nom de don Pedro IV. Néanmoins, si le désir de la mère-patrie devait être de reconquérir sa superbe colonie par la main du prince qui la lui avait enlevée ou conservée, comme disait Jean VI, l’intérêt du Brésil était au contraire de rester indépendant. Ce fut donc le Brésil, et non le Portugal, qui exigea que les deux couronnes ne reposassent pas sur la même tête, et don Pedro, forcé d’opter entre son sceptre légitime et son pouvoir révolutionnaire, se déclara pour le dernier ; avant d’abdiquer ses droit, il voulut en faire un usage qui, personne ne le niera, émanait d’un noble principe. Son premier acte de roi fut de confirmer, le 25 avril, la régence créée